Ce dossier est né d’un fichier manuel commencé assez tôt pour éviter les redites dans les concerts. Il porte bien entendu la marque d’un déficit certain de grandes œuvres romantiques et symphoniques. Ce fut surtout une question d’opportunité en fonction des orgues sur lesquelles je jouais.
(Les chiffres entre parenthèses indiquent combien de fois les œuvres ont été jouées en concert).
Dans certains de ces concerts, je n’étais qu’un organiste parmi d’autres.
Ceux de la Cathédrale de Saint Malo furent les premiers du genre. Nous faisions 4 concerts par an au profit de la construction de Grand Orgue, principalement avec Maryvonne Hilaire, et aussi parfois des organistes de passage comme l’auguste Alain Pacquier.
En revoyant les programmes, je constate l’inconscience de ma jeunesse. J’avais joué par exemple :
Le 25 Août 1967 l’Apparition de l’Eglise Eternelle de Messiaen,
Le 31 Juillet 1969 la Suite Modale de Flor Peeters,
Le 14 Août 1969 les Litanies de Jehan Alain …
et cela sur le petit instrument 2 claviers pédalier situé alors dans le transept. Heureusement que je suis parti secrétaire général de mairie à Senonches en 1970, chef-lieu de canton où il n’y avait pas d’orgue à l’église, sinon à quels sommets n’aurais-je pas craint de me confronter ?
Le concert de Saint Malo dont j’ai gardé le souvenir le plus amusé remonte à je ne sais plus quelle date exactement, l’oeuvre jouée n’étant pas au programme, et pour cause ! En effet, celui-ci avait été prévu trop court et les auditeurs attendaient la suite.
L’archiprêtre de la Cathédrale, qui m’avait à l’origine reçu un peu comme un chien dans un jeu de quilles, avait demandé que l’on rajoute quelque chose. Je m’étais lancé à l’improviste dans un Magnificat de Guilain que j’aimais bien et qui avait fait son petit effet. L’éminent ecclésiastique était monté à la tribune pour me remercier et me féliciter. Petite revanche d’amour-propre ! Vanitas vanitatum …
Il y eut aussi ceux auxquels j’ai participé avec Michel Trique sur les petits instruments démontables et transportables avec octave courte qu’il avait fait construire selon ses plans par le facteur Koenig.
Orgues positifs de Michel Trique
J’en ai compté 14 avec un répertoire allant du Concerto pour 2 orgues de Lucchinetti au Concerto en fa majeur de Haendel et aux 3 Concertos pour 2 claviers de Bach, en passant par l’Adagio et fugue en ut mineur de Mozart pour aboutir à la très belle Partita pour 3 orgues op. 5 de Michel Trique sur le thème du choral « Nous chanterons pour Toi, Seigneur » (voir par ailleurs la partition gratuite et l’enregistrement audio sur cassette à l’ancienne !). Les lieux de nos interventions furent divers. Les plus fréquents : la Basilique d’Avesnières à Laval et l’église de Tessé la Madeleine (à l’époque). Mais aussi la FNAC de Rennes, le Château de Sainte Suzanne … et surtout le Château d’Angers lors d’un congrès de la FFAO et avec les félicitations de Claude Noisette de Crauzat. Vanitas vanitatum …
Je sévis encore dans d’autres types de concerts à plusieurs organistes :
A la Cathédrale de Sées le 31 Août 1997 avec Alain Bouvet et Guy Robineau pour les 60 ans de tribune de Monsieur Georges Trouvé et le 24 Mai 2008 avec Olivier Houette et les mêmes pour la Légion d’Honneur de Monsieur Georges Trouvé,
A la Cathédrale de Laval le 16 Décembre 2007 avec Félix Moreau, George Marshall et Marie José Chasseguet pour les 50 ans de tribune de Michel Trique,
A Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne :
Anniversaire de la restauration de l’orgue en Mai ou Juin de 1997 à 2002 avec Georges Trouvé, Michel Trique, Alain Bouvet et Guy Robineau,
Concert annuel des « organistes de la paroisse » de 2002 à 2008 avec Michel Garouis et Marie Flore Outin d’abord, puis à partir de 2009 avec François Moreau, Michel Garouis et Xavier Bidard,
Concerts d’orgue à 4 mains avec Sandrine Petitjean, pour un concert entier, et auparavant avec Michel Garouis ou Marie-Flore Outin.
A Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne
Sandrine Petitjean
Il m’arriva de partager l’affiche avec des chœurs ou des instrumentistes :
Le Chœur de la Maîtrise de la Cathédrale de Nantes le 29 Novembre 1987, pour dialoguer avec les grandes orgues dans un répertoire utilisant principalement les jeux présumés subsistant de Clicquot,
Aux grandes orgues de la Cathédrale de Nantes
Le Chœur Marguerite de Navarre de Michel Grüneissen à Notre Dame de Guibray (Falaise) le 23 Août 1987 et à Tessé la Madeleine le 10 Juillet 1988,
Le Chœur Hymnody naissant, du regretté Nigel Elbourne, le 14 Juin 2009 à Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne, dans un programme alternant pièces d’orgue et hymns anglicans,
Nigel Elbourne
Le Chœur Una Voce de Laval le 27 Septembre de la même année à Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne, dans un programme faisant se répondre des œuvres chorales et des pièces d’orgue de styles et d’époques comparables,
Le Chœur Una Voce de Laval (ici à Parné sur Roc)
Jérôme Louvel, clarinettiste, le 29 Août 2010, toujours à Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne, avec un programme Renaissance / contemporain,
Jérôme Louvel
Enfin pour plusieurs de mes concerts la contribution d’amis talentueux fut des plus précieuses.
Tout d’abord, pour l’alternance avec le chant grégorien, le Père Yves Petit lui-même, parfois aidé du Père Michel Blatrix, me donnèrent la réplique. Pendant une dizaine d’années de 1990 à 2000, des « Veillées Orgue et Prière » étaient organisées chaque 15 Août à Tessé la Madeleine avec la participation ardente de la foule.
A ces deux Pères musiciens, s’ajoutèrent rapidement pour le 15 Août et pour les concerts le Père Joseph Courteille, un de mes anciens professeurs à Séez, et André Naulleau, un ami ingénieur de Laval; mais ces derniers furent également mis à contribution par exemple pour chanter des Noëls.
Depuis quelques temps, Jean Marie Godard, le grand spécialiste Ranais du chant grégorien, et Marina Mineau, soprano légère remarquable, nous font bénéficier de leurs talents pour des concerts mélangeant ou alternant l’orgue, le chant grégorien et le chant classique.
Marina Mineau et Jean Marie Godard
Tout récemment, j’eus l’occasion de prêter mon concours à Roland Nadaus, poète et écrivain, pour des auditions « Poésie et Orgue » où des poèmes de divers auteurs ou de Roland Nadaus lui-même alternent avec des pièces d’orgue. Les lectures sont faites par Roland Nadaus et/ou son épouse Simone.
Simone et Roland Nadaus avec Jean Claude Duval
Il faut également mentionner Michel Garouis qui sait :
Jouer de l’orgue,
Présenter un concert,
Prendre en charge la planification des concerts,
Proclamer le latin en prononciation gallicane,
Chanter un air folklorique en norvégien,
Interpréter l’hymne national néo-zélandais en maori,
et coetera …
Homme rare et précieux s’il en est.
Dans les concerts que j’ai donnés en soliste, j’ai toujours essayé :
D’éviter les démonstrations de virtuosité gratuite, (si j’en suis capable).
De ne pas rejouer plusieurs fois les mêmes oeuvres dans les mêmes lieux. Bien entendu, Bach fait exception, il est parfois incontournable.
D’adapter le programme à l’esthétique de l’instrument joué. La chance des « amateurs bénévoles » qui ne sont pas obligés d’avoir un programme annuel qu’ils promènent un peu partout pour des raisons alimentaires est justement de pouvoir faire de chaque concert une aventure nouvelle adaptée à un orgue et à un lieu nouveaux. Il faut reconnaître aussi que j’ai eu souvent la chance de jouer des instruments bien typés.
De ne pas m’enfermer dans le répertoire franco-germanique qu’on entend toujours et partout. J’avoue éprouver une véritable tristesse quand j’ai l’occasion de constater que les conservatoires forment encore et toujours les jeunes aux mêmes répertoires. Le 21ème siècle est déjà bien entamé. Internet nous permet d’avoir accès à toutes les œuvres pour orgue de tous les pays et de tous les temps. Osons pour nous-mêmes et pour nos auditeurs le plaisir de la découverte et de l’ouverture sur le monde. Le chapitre sur les œuvres que j’ai martyrisées au fur et à mesure du temps illustrera peut-être mieux mon propos.
Notre Dame de Guibray
Saint Germain d’Argentan
Jean Claude Duval Mise à jour : 13 Février 2019
Enregistrements EXTÉRIEURS
1991 06 30 St Germain d’Argentan Trio ut min
1993 05 09 Cathédrale de Laval Cantilène sonate 11 Rheinberger
2000 08 13 Falaise N D de Guibray 3 Chorals Wer nur Bach
2000 08 13 Falaise N D de Guibray Art de la Fugue 1-2 Bach
2000 08 13 Falaise Fantaisie et Fugue 904 Bach
2005 08 16 St Germain d’Argentan Ensalada Heredia
2007 07 31 St Germain d’Argentan Prélude et fugue sol min Buxtehude
2009 07 05 Cathédrale de Séez Fanfare l’Eclatante Corrette
Les cours de Joris Verdin, Luigi Ferdinando Tagliavini et Marie Claire Alain avaient lieu en première semaine. Je ne m’étais inscrit qu’en deuxième semaine, du Dimanche 25 Juillet au Dimanche 1er Août, pour les cours d’improvisation avec Rudolf Lutz et Emmanuel Le Divellec, et pour la musique espagnole en cours particulier avec Guy Bovet.
Plan d’accès à Romainmôtier
A côté de l’Abbatiale de Romainmôtier, la pasteure du lieu. Nous l’avions vue par hasard à Vaulion en arrivant le Dimanche matin. A la fin de la cérémonie, nous nous étions présentés et excusés de n’avoir pas participé à la célébration parce nous étions catholiques et que j’étais divorcé. Elle nous avait répondu du tac au tac : « Et alors, moi aussi je suis divorcée ». Heureuse religion qui vit avec son siècle !
L’Académie de Romainmôtier était largement placée sous l’ascendant de Marie Claire Alain. L’orgue de son père Albert Alain a été installé dans les combles de la Maison de la Dîme proche de l’Abbatiale. Elle donnait des cours en première semaine sur l’œuvre d’orgue de son père et de son frère Jehan. Bien que n’enseignant plus en deuxième semaine, elle était restée présente pour des concerts.
J’eus l’honneur de pouvoir un peu échanger avec elle. Je lui parlai de l’Académie 1986 de St Donat et de ceux dont je me souvenais : Stéphane Béchy, Laurence Bassi … Je lui rapportai que Liesbeth Schlumberger venait régulièrement donner des concerts sur l’orgue dont je suis titulaire à Ste Madeleine de Bagnoles de l’Orne. Elle savait prononcer sans tergiverser son nom de jeune fille « Kurpershoek ». Et me raconta, à la fois flattée et contrariée, que lorsque cette merveilleuse organiste était son élève, elle prenait en note mot à mot tout ce qu’elle disait et que lorsqu’elle retrouvait ensuite ses élèves dans ses propres cours, ceux-ci lui ressortaient point par point ce qu’elle avait dit. Elle n’aimait pas la Suite (baroque français jazzique) de Jon Laukvik. Cela dénaturait complètement selon elle la grande tradition organistique du 20ème siècle.
Je commis la gaffe de ma vie en lui disant après un concert qu’elle avait donné sur l’orgue de son père que je regrettais de ne pas avoir entendu les Litanies de son frère Jehan. Elle me fit comprendre par les gestes et la parole qu’elle en avait déjà plein les bras de ce qu’elle avait joué. Elle faisait partie de ces gens qu’on n’imagine pas vieillir. Je m’en veux encore de mon indécence. On ne peut pas ne pas avoir une pensée émue pour celle qui est partie après avoir tant fait pour la cause de l’orgue.
Romainmôtier s’enorgueillit de disposer d’un orgue entièrement mécanique construit par Albert Alain de 1910 à 1971. A la mort de son père, en 1971, Marie Claire Alain ne réussit pas à trouver en France un lieu de réinstallation de cet orgue. Entreposé en divers endroits, il se dégrada gravement. En 1985, Guy Bovet prit les choses en mains, sollicita le mécénat de la Société Migros, créa une Association, puis obtint l’autorisation d’occupation des combles de la Maison de la Dîme. L’orgue put être réinstallé et inauguré par Marie Claire Alain en Juin 1991.
L’orgue est plus beau qu’avant, dit-elle. Il correspond à ce que mon père avait rêvé de réussir.
Le schéma suivant donne une idée de la complexité de la console.
C’est sur cet orgue Alain de la Maison de la Dîme qu’étaient donnés les cours d’improvisation.
Rudolf Lutzest un musicien extraordinaire.
Né en 1951, il a étudié l’orgue avec Jean Claude Zehnder et Anton Heiller. Il est organiste à l’église protestante de Saint Gall, enseigne à la Schola Cantorum Basiliensis et aux Universités de musique de Bâle et de Zurich et est reconnu par tous comme un grand compositeur. (En 2006, il sera nommé directeur de la Fondation Bach, créera l’ensemble Schola Seconda Pratica et entreprendra l’enregistrement intégral des œuvres vocales de Jean Sébastien Bach. Chaque année depuis 2007, il sort un coffret d’une dizaine de DVD de cantates de Bach. Pour en savoir plus : http://www.bachstiftung.ch/en/shop/category/dvd/
Nombreux extraits sur sa page Facebook). Sans publicité pour ce site, Amazon dénombre 302 items de ses CD ou publications. Mais pour ce qui nous concerne ici, c’est surtout un improvisateur « historique » extraordinaire. Il sait pratiquer cet art dans tous les styles et toutes les formes. Pour son concert à la Collégiale de Neufchâtel le Vendredi 30 Juillet, il avait sollicité des thèmes ou idées d’improvisation. J’avais proposé le choral œcuménique connu en France sous les paroles « Nous chanterons pour Toi, Seigneur ». Il avait bien voulu le retenir. Son improvisation était tellement magistrale que malgré son clin d’œil sympathique, je n’osai pas applaudir. D’autres furent heureusement moins empotés que moi !
Rudolf Lutz est assisté dans ses cours d’Emmanuel Le Divellec qui, si j’en crois Internet, a étudié pendant cinq ans la physique et l’astronomie avant de s’orienter définitivement vers la musique.
Il travaille avec Rudolf Lutz dans le domaine de l’improvisation et sa pédagogie et enseigne l’orgue au Conservatoire de Berne, ville où il est organiste titulaire de l’église Française. Il publie régulièrement dans la « Tribune de l’Orgue » une rubrique appréciée qu’il intitule modestement « Le quart d’heure d’improvisation ». Pendant l’Académie, ce fut un assistant idéal pour Rudolf Lutz en le secondant par sa connaissance de la langue et de la liturgie françaises et en improvisant en duo avec lui, l’un au piano et l’autre à l’orgue. Il fut aussi d’un secours apprécié pour les stagiaires, allant jusqu’à leur tirer les jeux quand il le fallait.
Le premier exercice visait à classer les stagiaires en différents groupes suivant leurs niveaux et leurs préférences (classique/moderne). Je choisis d’improviser sur le refrain « Sur les chemins de la vie » à cause de son rythme un peu syncopé. Le schéma fut simple : thème, thème avec contrechant, thème contrefait librement en majeur avec ligne ascendante au lieu de descendante et retour au thème initial. J’avais utilisé par endroit des harmonies issues du jazz. En jouant, je m’arrêtai subitement, réalisant que j’avais fait une octave. Et Rudolf Lutz et Emmanuel Le Divellec de s’esclaffer : « Mais qu’est-ce que vous croyez ? On n’est pas en France ici ! » Je fus classé tout seul dans mon groupe. Ce qui fut évidemment un avantage pour travailler.
Le deuxième exercice était plus costaud. Il s’agissait d’illustrer musicalement le passage de la Bible relatant la rencontre d’Elie avec Dieu sur le mont Horeb. En résumé, un ange de Yahvé nourrit Elie, lui donne une gourde d’eau et l’enjoint d’aller sur la montagne de Dieu, l’Horeb. Une fois sur la montagne, la parole de Yahvé lui fut adressée « Sors (de la grotte) et tiens-toi dans la montagne devant Yahvé ». Et voici que Yahvé passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais Yahvé n’était pas dans l’ouragan. Et après l’ouragan, un tremblement de terre, mais Yahvé n’était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n’était pas dans le feu. Et après le feu, le bruit d’une brise légère, et Yahvé était là.
Le plan de l’improvisation était clair. Mais je ne sais pas pourquoi, alors que ce n’était ni dans la Bible, ni dans le commentaire de Saint Ephrem, ni dans les recommandations de Rudolf Lutz, j’imaginai qu’à chaque séquence Elie implorait Yahvé de se montrer. Et pour figurer cette imploration, orgue Alain oblige, je pris comme transition entre les séquences le thème des Litanies de Jehan Alain, ce qui surprit tout le monde et dénatura finalement ma prestation. Comme me dit Guy Bovet ensuite, il aurait fallu annoncer la chose au départ.
Pour l’ouragan, je fis sur les fonds et les anches des accords alternés en 3 + 5 sur les notes noires et les notes blanches, la première fois après un grand éclair et boîte ouverte, la deuxième fois boîte fermée, la troisième sans les anches, la quatrième sans les pleins jeux et enfin avec le tonnerre s’éloignant dans le lointain. Pour le tremblement de terre, j’utilisai le grand plein jeu des claviers et les anches 16, 8 et 4 de pédale avec la boîte ouverte. Des clusters manuels montant du plus grave au plus aigu et une descente au pédalier vers les notes les plus graves. Le tout s’achevant sur un unisson fortissimo. Pour le feu, je piquai l’idée de la basse (ré1, la1, mib2) à l’une des variations du Noël de Moulins de Guy Bovet qui eut l’élégance surprenante de considérer cela comme un hommage. Les flammèches étaient figurées sur le cornet par des motifs issus d’une gamme que je trouvais arabisante : ré, mi, fa, sol#, la, sib, do#, ré. Le plus difficile fut de transposer de sol à ré, puis do, et retour à ré et sol. Il y eut sûrement beaucoup de ratés. Les flammèches s’évanouissaient in fine dans les aigus. Pour la brise légère, je choisis la complication. Je mélangeai sur la flûte au soprano des mélismes sur Ubi Caritas (succession de trilles ininterrompue sur sol, sol, la, si, si, la, si, do, si, la, si, la) avec le thème du Veni Creator (un peu déformé rythmiquement pour coïncider avec les membres de phrases de l’Ubi Carita) sur le 4′ de la partie haute de la pédale avec des basses ponctuées sur les 16′ et 8′ de la partie basse de la pédale. Ce à quoi je n’avais pas pensé, c’est que ces thèmes grégoriens n’étaient pas connus des stagiaires. Guy Bovet reconnut l’Ubi Caritas et me fit remarquer à juste titre que les successions de trilles ne sont pas si faciles à faire et que je m’étais pas mal planté.
Bref, le succès ne fut pas immense, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce fut bon pour mon orgueil. Sic transit gloria mundi !
Autre instrument dont Romainmôtier peut s’enorgueillir, c’est celui de l’Abbatiale construit en 1972 par les facteurs Neidhart et Lhôte sur un projet de Frère Jacquenod de la Communauté de Taizé. Voici sa composition.
Batterie de Trompettes : Cornet 5r, Trompette 8′, Clairon 4′, Dulziana (en chamade) 8′, Dessus de Trompette (en chamade) 8′, Basse de Clairon (en chamade) 4′.
C’est sur cet instrument que Guy Bovet, last but no least, voulut bien m’initier en cours particulier à la musique ancienne espagnole. Je consacrerai un chapitre particulier sous l’onglet « Mes musiciens préférés » à ce musicien hors pair que je considère comme l’un des plus grands organistes mondiaux actuels et dont je déplore qu’il soit si peu connu et joué en France. Il me faudrait des pages pour tout dire sur lui. Je me référerai sans doute à beaucoup de sites Internet existants, tout en disant quelles sont, parmi ses œuvres d’orgue que je connais, celles que je préfère et que tout organiste contemporain devrait à mon avis connaître. Je lui demande pardon d’avance pour la subjectivité et les approximations de mon propos.
L’orgue espagnol est organisé en trois grands ensembles :
Le Grand Plein Jeu comprenant les principaux et les pleins jeux.
Les Nazardos avec les flûtes, les mutations et les cornets.
Les Anches incluant au moins une Trompette intérieure et les chamades complètes ou le plus souvent coupées en dessus et basses, ce pyramidage s’expliquant par des raisons acoustiques (équilibre basses/dessus) et pratiques (poids des tuyaux).
En principe, on ne mélange pas les ensembles ci-dessus, même pas les Anches et les Nazardos, à la différence du Grand Jeu français. Dans l’orgue espagnol, on ne peut pas accoupler les claviers. On ne le fera, notamment pour le pleno, que si la musique le justifie. Les principaux espagnols sont doux. S’ils sont trop forts, il faut les remplacer par des jeux moins violents. Les proportions entre les mesures sont simples ou doubles, mais le plus souvent simples (1 mesure = 1 mesure). Dans les Batailles, toutes les couleurs peuvent être utilisées. On n’est pas obligé de jouer tout sur les Anches.
Sebatián Aguilera de Heredia : Obra de 8° tono alto. Ensalada
Tempo : la blanche = environ 60.
Au début, on met les anches.
A la mesure 24 on peut changer pour mettre par exemple 8′ et 2′ qui dialogueront avec les anches à partir de la mesure 47.
Mesure 87, pas d’anche.
A partir de la mesure 93, anche solo au soprano.
Mesure 100, supprimer le triolet fautif.
Mesure 102, autre couleur avec réponse sur les anches aux mesures 136, 138 et 140.
Mesure 145 : anches.
Corriger les contretemps manquant (3+3+2) aux mesures 149, 153, 157, 161, 163, 165 et 167 à 177.
Mesure 172, corriger le soprano défectueux.
Mesure 190, ajouter des jeux.
(ou comment une œuvre apparemment anodine retrouve une nouvelle âme avec les corrections et les registrations adéquates)
Pedro de Araujo : Batalha de 6. tom
Comme les Batailles de l’époque, celle-ci est construite sur le schéma de la célèbre « Bataille de Marignan » de Clément Janequin (1485 – 1558). C’est par approximation que Correa de Arauxo fait référence dans son Tiento tercero de sexto tono à celle de Cristóbal de Morales (1500 – 1553). Ce dernier avait copié Janequin.
Au début, pour l’incantation « Écoutez la victoire de notre bon Roi … » : grand plein jeu.
Mesure 41, appel de trompette avec tambour de pédale sur les fonds.
Continuer le tambour jusqu’à la mesure 45.
Mesures 46 et 47, supprimer le soprano qui n’a aucun sens. Ce doit être une erreur ou un fragment manquant dans le manuscrit.
Mesure 57, c’est la Bataille proprement dite, ajouter un peu.
Mesure 82, on peut ajouter du tambour.
Mesure 92, extinction de la bataille, diminuer un peu.
Mesure 97, c’est la nuit, les combattants se retrouvent : danse légère, éventuellement sur 2 claviers.
Mesure 137, au matin, reprise de la bataille : plus fort. Les vaincus s’enfuient à pied (mesure 161) puis à cheval (mesure 167).
Mesure 176, louange pour la victoire, ajouter la timbale une note par mesure
(exceptionnellement mélanger anches et plein jeu ?). (encore une pièce qui avec les bonnes explications retrouve son véritable caractère)
Pablo Bruna : Tiento sobre la letanía de la Virgen 2° tono por G sol re ut
Cette pièce est un tiento à 2 basses et 2 dessus. La basse doit être plus ou moins puissante suivant qu’elle accompagne seulement la main droite ou dialogue avec elle. L’idéal serait de ne pas changer : main gauche 8′ et 4′ avec main droite 8′ et nazard. Mais dans un concert, pour éviter l’ennui, on peut faire des changements de registration.
La pièce commence par une introduction fuguée. Et reprend toujours ensuite les mêmes motifs comme c’est naturel pour une litanie.
Motif A : mesures 26 et 27, avec sa réponse aux mesures 28 et 29.
Motif B : mesures 30 et 31, avec sa réponse aux mesures 32 et 33.
Motif C : mesures 34 à 37, avec sa réponse aux mesures 38 à 41.
Motif D : mesures 42 à 45, avec sa réponse aux mesures 46 à 49.
Dans ces premiers énoncés, on peut considérer les réponses comme la participation de l’assistance répondant au prêtre.
Après la mesure 57, le motif D n’est pas conforme aux développements A, B et C qui le précèdent directement. Le modifier en conséquence.
Après la mesure 62, il manque une mesure pour finir le motif A. Pour l’équilibre de l’oeuvre, il est nécessaire de la restituer.
Après la mesure 68, il manque les 4 mesures du motif D. Le compléter ?
Les mesures 69 à 80 reprennent les motifs complets.
Les mesures 81 à 105 les reprennent également avec des répétitions A’, B’, C’, et D’.
Les mesures 105 à 109 sont inexplicables. Il peut s’agir d’un développement commencé et non mené à son terme. Les supprimer ?
Des mesures 110 à 149, cinq versions de plus en plus rapides de A, B et C se succèdent.
A la mesure 150, on peut changer de registration, ajouter le prestant par exemple.
De la mesure 167 à 181, une fantaisie libre se développe que l’on peut ralentir légèrement à la fin avant le retour de la litanie.
A la mesure 182, les quatre motifs réapparaissent.
Ils sont repris aussi à partir de la mesure 194, mais sont alors suivis à la mesure 206 d’un motif D’ en écho.
La coda intervient à la mesure 210.
(Cette belle pièce analysée aussi finement prend tout de suite une autre dimension – bravo et merci, l’artiste !)
Juan Cabanilles : Tocata de mano izquierda de 5° tono
C’est une forme de gaitilla. Quand la main gauche est rapide, on la joue sur un 4′ (anche 4′, ou4′ + tierce + éventuellement cymbale).
Juan Cabanilles : Tocata de 6° tono
On peut jouer tout dans les mêmes timbres ou sur des jeux différents, par exemple : 1° Discurso : anches ou plein jeu, 2° Discurso : nazardos, 3° Discurso : plein jeu ou anches.
Juan Cabanilles : Tiento de Batalla de 5° tono
Jouer sur les anches le tiento fugué en C. A partir du 3/2, c’est la louange. Ajouter des jeux. (Ne pas oublier qu’en principe 1 mesure = 1 mesure).
Francisco Correa de Arauxo : Segundo tiento de 4° tono (a modo de canción)
Au début, style de canzone italienne (montre et prestant).
A partir du 3/2, mesure 60, mettre une petite anche (attention, 1 mesure à 4 temps = 1 mesure à 3/2). Battre le 1er temps, rester sur le 2nd et lever le 3ème.
L’épisode syncopé (en C) à partir de la mesure 90 est complètement erroné dans l’édition Kastner. Il faut restaurer le rythme 3 + 3 + 2 : (noire, croche, noire, croche, noire) et non (noire, croche, noire pointée, croche, noire, ce qui fait 9 croches pour une mesure à 4 temps).
Mesure 98, retour au 3/2, petite anche, un peu plus vite.
Mesure 124, (toujours en principe 1 mesure = 1 mesure), pleno avec ayrezillo (fort accent sur la 1ère note d’un groupe de 3).
Dans le C final (mesure 147), exceptionnellement 1 noire = 1 noire avec un léger ralenti éventuel au début.
Franscisco Correa de Arauxo : Tiento tercero de sexto tono
C’est une bataille plus primitive que celle de Cabanilles. A l’époque, ce qu’on appelait trompette était en fait une régale.
Au début : plein jeu seul.
A la fin de la mesure 41, trompette seule.
A la fin de la mesure 66 : plein jeu seul.
A la fin de la mesure 112 : trompette seule.
A la fin de la mesure 160 : plein jeu.
Mesure 197 : plein jeu + trompette.
Un immense merci à Guy Bovet pour cette initiation si dense et si précieuse pour un modeste organiste amateur.
Jean Claude Duval 18 Avril 2013 et 2 Septembre 2020
Ces deux stages de courte durée ont en commun d’avoir été organisés par Mademoiselle Yvonne Gide qui avait fait de la musique dans sa jeunesse, mais avait ensuite été accaparée par ses études à la Sorbonne et son travail de professeur d’anglais au lycée d’Argentan.
L’orgue de l’église Saint Germain ayant été reconstruit en 1975, elle en devint responsable et milita par ailleurs pour la rénovation de l’orgue historique de Notre Dame de Guibray à Falaise en créant en 1985 une Association des Amis de l’Orgue de cette église, en la présidant et en organisant des concerts. Elle a enregistré plusieurs disques à Falaise, à Argentan et à la bibliothèque de Vire. En 2002, la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres lui fut remise par son ami Gustav Leonhardt. En nous quittant le 16 Septembre 2011 à 87 ans, elle laisse un grand vide dans le monde de l’orgue.
Autre point commun entre ces deux stages, ils furent animés par Willem Poot.
Celui-ci a étudié l’orgue au Conservatoire Sweelinck d’Amsterdam avec Albert de Klerk. Il a également étudié la théorie musicale et enseigne au Conservatoire d’Utrecht. Il considère que comme un homme, chaque orgue a sa propre personnalité. Il est fasciné par ses timbres, cherche les points forts de l’instrument et choisit le répertoire qui lui convient.
Il donne des concerts d’orgue aux Pays Bas et à l’étranger, il a enregistré plusieurs émissions de radio et de télévision, ainsi que plusieurs disques. En Hollande du Nord, il organise maintenant des tournées d’orgue. A chaque voyage, il emmène les amateurs visiter les meilleurs instruments des Pays Bas. Pour chaque instrument, il parle de son histoire et de ses caractéristiques particulières et, naturellement, le fait entendre. Il contribue ainsi à la connaissance par un large public et à la conservation par les instances compétentes des grandes orgues de son pays.
L’orgue de Notre Dame de Guibray à Falaise a été construit à l’origine en 1746 par les facteurs Claude et Henri Parisot. Ayant conservé suffisamment d’éléments historiques : buffet, mécanismes et la plupart de ses jeux, il pouvait bénéficier d’une restauration se rapprochant le plus possible de son état d’origine. L’action d’Yvonne Gide, organiste, et l’intervention de Jean-Pierre Decavele, technicien-conseil, rendirent possible l’élaboration du projet. Grâce au financement de l’État, du Département du Calvados et de la Ville de Falaise, cette restauration fut menée à bien en 1993 par les facteurs Boisseau et Cattiaux. L’instrument convient évidemment magnifiquement à l’interprétation de la musique d’orgue baroque française, mais la qualité de ses jeux permet d’aborder les répertoires d’autres contrées.
STAGE de 1988 à FALAISE
Ce stage avait pour thème « Rhétorique et interprétation de la musique d’Europe du Nord de Sweelinck à J. S. Bach ». Pour Willem Poot, il y a une grande relation entre la musique et la langue.
Chaque pays a sa propre langue et sa propre accentuation.
En Europe, les pays où la musique est importante ont des langues différentes :
En France, l’accent se traduit par l’élongation de la syllabe et le rythme inégal,
En Allemagne, l’accent est plus dynamique,
En Italie, l’accent se marque par des traits montants ou volubiles.
Les bonnes notes se font toutes les 2, 3 ou 4 notes.
Dans la parole, l’articulation est également très importante. Toutes les possibilités existent du legato au staccato. Il est important de choisir quelle note sera jouée comment. Sur les orgues mécaniques, on peut varier le toucher suivant l’enfoncement de la touche. Suivant les pièces, on peut attaquer très fort ou très doux. En réalité les choses sont plus complexes; on peut varier ou alterner les touchers, avec ou sans attaque. De la même façon, on peut terminer la note rapidement ou doucement.
Il y a aussi la question des notes répétées. On peut s’exercer : une note forte, une douce; ou une note forte, deux douces; ou avec des accords. Dans le legato, le vent ne s’arrête jamais. Dans le portato, on entend les attaques.
Le mélange des jeux revêt évidemment la plus grande importance.
Suivant les jeux qu’on utilise, on change le caractère de la pièce. Quelques éléments à ce sujet :
En Allemagne, l’orgue accompagne toujours la foule qui chante.
En Hollande, les chants ne sont accompagnés qu’à partir de la moitié du 17ème siècle. L’orgue joue avant et après le service ou pour les concerts.
Praetorius mélange la régale et la cymbale pour imiter le clavecin.
On fait souvent alterner le grand et le petit plein jeu. Dans les fantaisies en écho, on fait l’écho sur l’oberwerk.
La fantaisie chromatique de Sweelinck se joue d’un bout à l’autre sur la montre.
Quand la structure de la pièce le permet, on procède à des changements de clavier.
Il faut toujours analyser la musique et penser aux proportions.
Les solos se touchent sur les jeux ou mélanges suivants : trompette / 4′ du positif / bd 8′ et doublette / bd 8′ et flûte 4′ / sesquialtera / régale (avec tremblant) / régale et 4′ (+quintaton pour imiter la voix humaine) / 8′, 4′ et larigot.
Au pédalier, en Hollande on renforce la basse ou on met la trompette; en Allemagne du Nord, on met les anches de 16′ et les fonds.
Orgue de Notre Dame de Guibray – Falaise
Willem Poot confirme l’importance de la Rhétorique, aussi bien à l’époque baroque qu’après, par exemple jusqu’à Mozart. Aux 15ème et 16ème siècles, la méthode de composition reposait sur le contrepoint, dans un style difficile et sophistiqué. A la fin du 16ème, le nouveau style arrive, plus dramatique, plus expressif. Les moyens d’expression sont nouveaux. Dans le contrepoint, les diminutions construisaient des figures. A l’époque baroque, on travaille avec des figures (Monteverdi, et Bach avec ses figures incroyables …).
Il y a des figures dans les mélodies. Celles-ci montent ou descendent. Les tessitures extrêmes correspondent aux expressions extrêmes. Le chromatisme symbolise la mort. La sixte montante exprime une grande difficulté. Les soupirs entre groupes de deux notes liées expriment la douleur.
Il y a des figures dans les harmonies. Les dissonances illustrent musicalement les moments difficiles. Les harmonies inattendues attirent l’attention ou symbolisent une grande tension.
Il y a des figures dans les rythmes. Ceux-ci varient du vite au lent, du long au court, du grand au petit.
L’affect général d’une pièce traduit de la tristesse (rythme lent, mode mineur) à la joie (rythme rapide, mode majeur). D’une façon générale, comme le disait Carl Philipp Emmanuel Bach, pour émouvoir les autres, il faut être ému soi-même.
Pour aider les amateurs qui voudraient s’intéresser de plus près à la rhétorique et à l’expressivité musicales, voici quelques sites intéressants :
Ce stage avait pour thème Jean Sébastien Bach et ses précurseurs (Sweelinck, Scheidt, Tunder, Buxtehude … Il fut malheureusement écourté du fait, si je me souviens bien, d’une occupation imprévue de l’église.
Pour comprendre Jean Sébastien Bach, il faut étudier tous ses précurseurs. Né en Allemagne du Nord, il a connu les œuvres de Buxtehude qui avait des liens avec tous les pays du Nord, eux-mêmes très influencés par Sweelinck. Les Flandres avaient des contacts avec l’Italie. Les conciles de Trente 1545/1563 y avaient réformé le chant grégorien. Mais Palestrina composait des messes polyphoniques sans chromatismes, ni multilangues, ni instruments. Dans le même temps les Gabrieli continuaient leurs morceaux à deux orgues. Monteverdi apportera son nouveau style. Puis le concerto se développera. Les nombreux musiciens italiens visiteront l’Europe à l’exception de la France. Jean Sébastien Bach sera également très influencé par la musique italienne.
Résumé simplifié de la Rhétorique : position, opposition, lutte et confirmation. Il est important d’étudier aussi la musique vocale, l’opéra, les autres événements culturels. La Rhétorique n’est pas non plus que discours. Il y a aussi les agréments dérivés de la musique vocale. C’est une façon de distinguer ce qui est normal et ce qui est spécial.
Interrogé sur les constantes expressives mises en exergue par Pirro, Schweitzer et Marie-Claire Alain, Willem Poot ne fait pas, dans sa logique, de lien avec les figures de la Rhétorique.
Il consacre une partie du temps à l’étude rapide de diverses pièces préparées par les stagiaires.
Est-ce Mars de Sweelinck : bien séparer les notes, faire des nuances dans les séparations, jouer les notes plus fort ou plus doucement. Jouer les notes brèves de 2 en 2, ou lier la 1ère à la 2ème. (Pour Bach, ce sera de 4 en 4).
Magnificat du 1er ton de Buxtehude : C’est le stylus phantasticus, ne pas ajouter d’ornements. Certaines sections ne respectent pas la mesure. Dans les répétitions, presser pour renforcer l’harmonie. Section B : montre, flûte et larigot. Section E : très doux.
Magnificat de Weckmann : pas de tremblant dans les notes rapides, mettre en valeur les dissonances. Faire sentir le caractère tout à fait exceptionnel du dernier accord.
Jean Claude Duval – 12 Avril 2013 et 2 Septembre 2020
L’Académie d’orgue des Andelys proposait du 26 Août au 4 Septembre 1988 des cours d’orgue et clavecin avec Wolfgang ZERER pour l’œuvre de Bach, principalement de clavecin, Andrea MARCON en musique italienne, Georges LARTIGAU pour la musique française romantique et symphonique et Jean REGNERY sur la musique baroque française. Pour ma part, je m’inscrivis aux cours d’Andrea MARCON.
Andrea Marcon a obtenu un diplôme d’orgue au Conservatoire de Castelfranco Veneto en 1983. De 1983 à 1987, il a étudié à Basilea à la Schola Cantorum où il a obtenu le diplôme d’orgue, de clavecin et de musique ancienne sous la direction de Jean Claude Zehnder. En 1985, il a obtenu un prix au concours de Bruges et en 1987 le 1er Prix du concours Hofhaimer d’Innsbruck. Il est organiste à San Bonifacio de Trévise et joue régulièrement dans toute l’Europe.
Domenico Scarlatti doit sa célébrité à ses 555 Sonates pour clavier. La plupart sont écrites pour clavecin, mais certaines conviennent à l’orgue. C’est sans conteste le cas des sonates K 287, K 288 et K 328. Les deux premières sont sous-titrées « Per Organo de Camera con due Tastatura Flautado e Trombone » et les changements de claviers y sont indiqués. Quant à la troisième, elle est spécifiée « Orga.o e Fl.o » (Organo e Flauto) avec changements de claviers. L’Organo s’entend du Ripieno (ou 8′, 4′ et 2′) et la Flauto de la Flauto de 4′. Le cas des sonates K 254 et K 255 est moins évident. Pour Tagliavini, les mentions « Oytabado » et « Tortorilla » n’évoquent pas des jeux d’orgue, mais une danse portugaise et une tourterelle ! Par contre les fugues K 41, K 58 et K 93 sont en Italie traditionnellement interprétées à l’orgue.
Alessandro Scarlatti, le père de Domenico, a composé une cinquantaine de pièces pour clavier dont la plupart sont considérées comme destinées au clavecin. C’est manifestement le cas de sa « Toccata primo toni », pièce composite enchaînant un Allegro, un Adagio, un Presto, une Fugue, un Adagio cantabile ed appogiato et une Partita sull’aria della Folia. Un éditeur a publié une adaptation pour orgue s’inspirant sans doute de ce qu’écrivait Scarlatti : « Les accords arpégés du clavecin doivent être tenus à l’orgue alors que les accords tenus à l’orgue doivent être arpégés au clavecin ». Mais Andrea Marcon nous en donna au clavecin une interprétation magistrale absolument convaincante.
Girolamo Frescobaldi, titulaire à vie de la Basilique Saint Pierre de Rome de 1608 à 1643, fut le principal Maître du clavecin et de l’orgue en Italie et son influence s’étendit au moins jusqu’à Froberger et Jean Sébastien Bach. Ses œuvres pour clavier comprennent plusieurs Livres :
Fantasie,
Ricercare et canzoni francese,
Toccate e partite d’intavolatura di cembalo,
Capricci,
Toccate, canzone, versi d’hinni, Magnificat, gagliarde, correnti et altre partite d’intavolatura di cembalo et balo et organo (dont les quatre Toccate pour orgue sont au menu de l’Académie),
Fiori musicali (qui seront également évoquées lors de l’Académie).
Il faut aborder d’emblée la question de l’esthétique de Frescobaldi. Je vous ai fait ici une traduction résumée de l’avis « Al Lettore » du 1er Livre de Toccate de Frescobaldi.
Au lecteur :
Je sais combien grande est la faveur générale de jouer avec des ornements et des passages variés. A ce propos, j’ajoute à mon Livre l’avis suivant sans mépriser les mérites des autres.
Dans le Madrigal moderne, on ne souligne pas la mesure. On la prend tantôt lentement, tantôt rapidement, ou même en s’arrêtant suivant l’expression ou le sens des mots.
Dans les Toccatas, j’ai pris soin qu’elles soient riches en ornements et passages variés et que les sections individuelles puissent être jouées séparément l’une de l’autre, de façon à permettre une conclusion ad libitum.
Les commencements des Toccatas se jouent lentement et arpeggiando. Mais dans les suspensions et dissonances et au milieu de la pièce, les notes de l’accord sont frappées simultanément. Si on a le sentiment d’un vide, on peut les frapper de façon quelconque.
Dans les trilles et dans les passages en degrés conjoints ou disjoints, la dernière note est appuyée même si c’est une croche, une double croche ou une note différente de la suivante. On évite ainsi la confusion entre un passage et un autre.
Le tempo est retardé dans les cadences, même écrites en notes de petite valeur. Quand la conclusion approche, la cadence ou le passage est joué plus lentement.
Quand une consonance survient aux deux mains ensemble, le passage est à conclure et à séparer d’un autre passage. Si une main joue un trille et l’autre un passage en même temps, on ne joue pas note contre note. On joue le trille rapidement et le passage plus lentement et avec expression. Sinon, une confusion surgirait.
Quand des passages en croches et doubles croches sont joués simultanément aux deux mains, ils ne sont pas joués trop vite. La main qui a les doubles croches les jouent plutôt pointées, le point affectant non la première, mais la seconde, et ainsi de suite jusqu’à la fin.
Avant deux passages en doubles croches jouées ensemble aux deux mains, la note précédente est tenue, même si c’est une noire. Le passage est alors attaqué résolument.
Dans les Partitas et les Toccatas où se trouvent des passages et des figures expressives, on prend un tempo large. Mais les Partitas ne contenant pas de passages sont jouées assez vite. Le choix du bon tempo convenant le mieux à l’esprit du mouvement et au style du jeu est laissé au bon goût et au jugement de l’interprète.
(Les mouvements de Passacaille et des Chaconnes peuvent être joués séparément ad libitum. Le tempo de chacun d’eux est conforme à celui des autres mouvements).
Le style de Frescobaldi correspond à ce qu’on appelait la « seconda pratica » par opposition à la « prima pratica« . Avant 1600, c’était la « prima pratica ». On recherchait avant tout la perfection du contrepoint et de l’harmonie, sous l’influence notable des francoflamands. En Italie, c’étaient Gabrieli, Cavazzoni, Merulo … À la fin du 16ème siècle, les napolitains utilisent plus de dissonnances avec Trabacci, Mayone …
Mais après 1600, Monteverdi et Frescobaldi introduisent une nouvelle manière musicale dans laquelle l’expression du texte prime, menant à une écriture plus monodique et autorisant de nombreuses licences harmoniques et rythmiques. C’est la « seconda pratica ». On ne bat plus la mesure de façon rigoureuse. On attend le chant. On ne recherche pas la virtuosité, mais l’émotion. On fait toujours des petits changements dans la pulsation rythmique avec des accélérations et décélérations harmonieuses.
La musique est faite de vagabondages et de raffinements impossibles à écrire et si on les écrit, on ne peut pas les apprendre. Pour Froberger, élève de Frescobaldi, la différence entre l’écriture et l’interprétation est tellement grande qu’une interprétation correcte est impossible si le maître n’est pas là pour l’expliquer. Bref, Frescobaldi ne pouvait mieux dire que dans l’avis « Al Lettore » cité plus haut.
Dans le 2ème Livre de Toccatas … de Frescobaldi, la « Toccata terza » est une toccata pour l’élévation. Les modes qui conviennent le mieux pour ce type de pièce sont les 2ème et 4ème modes. Ici, c’est le 2ème mode. Jouer suivant les préceptes de la « seconda pratica ». Les chromatismes évoquent la passion. Il y a plusieurs épisodes qu’il est important de repérer pour clore le jeu avant la fin ou pour respirer avant l’épisode suivant. Le 1er s’arrête après le 1er temps de la mesure 13, le 2ème après le dernier temps de la mesure 19, le 3ème après le 2ème temps de la mesure 33 et peut-être un 4ème après le 2ème temps de la mesure 56. Dans les rythmes lombards, lier la brève et la longue et séparer les groupes. Faire attendre les dissonances sur le temps. Une Toccata pour l’élévation, c’est un peu comme un prélude non mesuré écrit.
La » Toccata quarta » du même Livre est également pour l’élévation, mais du 4ème mode. On y voit des exemples de suspensions avant dissonances, entre les mesures 9 et 10 ou 34 et 35, entre le 2ème et le 3ème temps de la mesure 20 et après le 1er temps de la mesure 60. A la fin de la mesure 24, on peut faire une césure. A la mesure 48, on entre dans un long épisode de rythmes lombards suivi de motifs en notes inégales classiques où c’est la longue sur le temps qui est accentuée. Dans les cadences, on s’arrête sur la dernière note du trille.
Avec la « Toccata quinta« , nous quittons le monde des Toccatas pour l’élévation pour entrer dans celui des Toccatas pour ripieno. Frescobaldi utilise les rares notes graves de pédale dont il dispose : ut, ré, fa, sol et la, si l’on en croit cette Toccata. On peut faire des césures à chaque entrée de pédale et des suspensions par exemple avant les mesures 9, 51 et 61.
La « Toccata sesta » obéit à des règles comparables. Quand les croches sont imprimées individuellement, on les joue non liées et moins vite. Avant les passages où il y a des doubles croches aux deux mains, on s’arrête avant et on commence pas très vite avant d’accélérer pour montrer la virtuosité des mains.
Les « Fiori musicali » contiennent trois messes, une « Bergamasca » et un « Capriccio sopra la Girolmeta ».
La « Messa delli Apostoli » est la deuxième du recueil.
La Toccata avanti la Messa se joue dans le même esprit qu’une élévation, mais de façon plus solennelle. On commence Adagio, puis on accélère un peu et on revient Adagio.
La Canzon dopo l »Epistola comprend trois sections. Dans la première, trois mesures Adagio introduisent librement la pièce avant le thème de la canzone Allegro. On joue au début sur le ripieno. Pour le passage en ternaire, on utilise un 4′. Antegnati dit qu’il est bon de changer souvent de registrations dans les canzones. Ce n’est pas toujours facile. Le retour du thème à quatre temps C à la fin dela troisième section appelle pourtant l’emploi du ripieno.
La Toccata per l’Elevatione se joue sur le principal seul ou la voix humaine. L’articulation doit être très liée.
L’ orgue italien des 16 orgue italien des 16ème, 17ème et 18ème siècles a peu évolué. L’école italienne est certainement la plus traditionnelle. Le 17ème siècle est une période très riche. L’Italie est le pays le plus important.
Il comprend très souvent un seul clavier (avec octave courte et jeux coupés), parfois deux, rarement trois. Sa disposition typique est la suivante :
Principale 8′ (parfois en double), Ottava 4′, Quintadecima 2′, Decima nona 2’2/3, Vigesima seconda 1′, Vigesima sesta 2/3′, Vigesima nona 1/2′, Trigesima terza 1/3′,
Flauto in ottava 4′, Flauto in duodecima 2’2/3, Flauto in quintadecima 2′,
Voce humana 8′ (ondulant avec le Principale), Tromboni 8′ (plutôt 18ème siècle), Violoncelli 8′ (anches enfermées dans des boites en bois),
Contrabassi 16′ (jeu unique de pédale),
Tirasse sur la première octave.
Le Tiratutti est souvent de mise, il permet de tirer d’un seul coup tous les jeux du ripieno.
La registration suit des règles connues de tous et qui ne sont pas notées sur les partitions. Pour les Intonations et avant la Messe, on utilise le ripieno, éventuellement plus ou moins allégé de ses jeux les plus aigus. Le principal seul s’emploie pour les motets peu fournis. Antegnati y ajoute le tremblant. Le principal et la voix humaine se touchent très lents et liés. Dans les diminutions et les vitesses, on met le principal et la flûte 2′ 2/3, ou l’octave 4′, ou la flûte 4′. Pour la Pastorale de Pasquini, mettre le violoncelle, la montre et la flûte 4′. En Italie, à la différence de l’Allemagne, les mélanges sont possibles. Par exemple dans l’offertoire de Zipoli, mettre 8′, 4′, 1′ ou 8′, 2’2/3. Pour sa Postcommunion (« coi flauti »), la flûte 4′ seule, ou la montre et la flûte 2’2/3 ou la montre et les flûtes 4′ et 2’2/3.
D’autres documentations nous sont remises par Andrea Marcon :
« L’Arte organica » de Costanzo Antegnati en italien. On trouve dans le commerce la traduction de cet ouvrage en français.
Le « Discorso sopra il Concertar li Registri dell’Organo » en italien publié par Diruta dans la 2ème partie de son « Transilvano ». Une traduction française de l’ouvrage a été publiée par « Orgues méridionales » en 1989.
Plusieurs exemples de doigtés anciens : Diruta, Banchieri, Ammerbach, Susanna van Soldt, Anonymes, De Santa Maria, Buchner … Il n’est évidemment pas possible de le reproduire tous ici.
Jean Claude Duval – 9 Avril 2013 et 20 Septembre 2020
Cathédrale Saint Vincent de Saint Malo 1967 – 1970
Il ne s’agissait évidemment pas à l’époque du Grand Orgue Koenig de 35 jeux installé au dessus du porche d’entrée et inauguré le 10 Août 1980 en remplacement de l’orgue Debierre détruit en 1944. La grande restauration de la Cathédrale dura, si j’en crois Wikipedia, de 1944 à 1972. La partie basse de la nef et le chœur étaient alors condamnés. Il ne faut pas croire pour autant que l’édifice resta pendant tout ce temps privé d’orgue. Il existait en effet un orgue de chœur construit par Cavaillé-Coll en 1846, restauré en 1890 par Claus qui y apposa sa marque et qui fut installé (en 1947 ?) sur une tribune dans le transept nord. Compte tenu du volume réduit du bâtiment, il sonnait de façon satisfaisante.
Revenu du Tchad à la fin de mon service militaire, je fus affecté, comme je l’ai raconté par ailleurs, à l’État Major de la 9ème Brigade de Saint Malo à compter du 27 Octobre 1965. J’y fis la connaissance de ma première épouse qui tenait parfois l’orgue le Dimanche (et me mariai avec elle le 4 Juillet 1966). Je pense que la véritable titulaire était plutôt Mme Maryvonne Hilaire. Dans le « Dictionnaire des Organistes Français des 19ème et 20ème siècles », Pierre Guillot s’en tira de la façon suivante.
Toujours est-il que je sévis sur cet instrument de 1967 à 1970. Il émigra ensuite à Tinténiac lorsque le Grand Orgue Koenig fût construit. Je jouais régulièrement les offices le Dimanche et participai pendant trois ans à quatre concerts estivaux par saison au profit de la construction du Grand Orgue.
La photo ci-après représente l’orgue tel qu’il est aujourd’hui à Tinténiac. Ne me souvenant plus de sa composition à St Malo, Mr Moal a bien voulu me donner sa composition actuelle
GO : Montre 8′, Bourdon 8′, Prestant 4′, Doublette 2′, Nazard 2′ 2/3 et Tierce 1′ 3/5,
Récit : Principal 8′, Cor de nuit 8′, Principal 4′, Flageolet 2′, Plein jeu 4 r, Trompette 8′,
Pédalier : Soubasse 16′, Bombarde 16′.
Tirasses : Go et Récit
Accouplement : Récit / GO
Boîte expressive : Récit. Tremblant.
Il s’agit d’un orgue de style néo-classique apte à interpréter toutes sortes de musique.
Église Saint Martin de Longny au Perche 1972 ? – 1977
La famille de Guy Robineau, ancien condisciple de séminaire, habitait près de Longny au Perche, distant de Senonches d’environ 25 kms. Il avait pris en charge l’orgue de Longny au Perche et venait le jouer, principalement pour les fêtes si je me souviens bien. Il était remplacé par Annie Dennery, éminente musicologue spécialiste du grégorien, qui avait une résidence secondaire sur la commune.
Mais le besoin se fit sentir de renforts supplémentaires. Guy Robineau fit appel à moi et j’acquiesçai d’autant plus volontiers que le Père Leroyer, curé, était vraiment un homme bon, intelligent et généreux. Né en 1913, ordonné prêtre en 1946 et arrivé à Longny en 1961, il prit sa retraite d’abord à St Mard de Réno, puis à l’hôpital de Mortagne avant de mourir à 99 ans le Lundi 2 Avril 2012. Avec lui, l’organiste était considéré comme un homme important. Lorsqu’on arrivait, toutes les partitions étaient prêtes, lorsqu’on partait ce n’était jamais sans un petit chèque « pour ton essence » comme il disait (à l’époque c’était 60 francs, je crois). On était parfois invité à sa table. Je ne sais plus en quelle occasion, la table était présidée par Mgr Pioger. J’appris ce jour là ce qu’était l’humour ecclésiastique.
Orgue sur la tribune au fond de la nef (avec la console sur la partie droite de l’instrument)
Croquis extrait de l’Inventaire provisoire de 1984
D’après ce site l’origine de l’orgue remonterait à 1669.
Installé sur la tribune actuelle en 1842, il aurait fait l’objet d’interventions des frères Damien et de Mutin, jusqu’à ce que l’abbé Tronchet (1861 – 1945), Directeur de l’œuvre des Ateliers Chrétiens, récupère en 1928 les éléments existants et les replace dans le buffet ancien. D’autres modifications furent faites ensuite notamment par Philippe Hartmann.
A l’époque où je l’ai joué, l’instrument présentait, si ma mémoire est bonne, la composition suivante :
Manuel : Montre 8′, Prestant 4′, Doublette 2′, Plein jeu, Bourdon 8′, Flûte 4′, Clairon 4′, avec en jeux entiers ou coupés au do/do# : Quinte (dessus ± sesquialtera), Larigot (dessus), Trompette 8′ (basse)
Pédalier : Soubasse 16′, Tirasse
Église Saint Martin de Ballancourt sur Essonne 1977 – 1980
Ma profession de fonctionnaire m’emmena ensuite à Ballancourt sur Essonne.
Eglise Saint Martin
Niche au dessus du portail d’entrée où était logé l’orgue
Vous ne voyez pas grand-chose. Je pense qu’il y avait deux claviers et un pédalier.
Les souvenirs que j’ai gardés se résument :
Aux offices à deux orgues, le fils de mon prédécesseur comme Secrétaire Général de Mairie, accompagnant les chants de la chorale sur un instrument électronique,
La bénédiction le 14 Octobre 1979 de la cloche qui avait été refondue à l’initiative du curé, le Père Chollet. J’avais mis les petits plats dans les grands :
Grand Prélude en mi b de Jean Sébastien Bach comme entrée
Toccata de la Suite Gothique de Léon Boëllmann comme sortie.
Eglise Saint Éloi de La Chabossière à Couëron 1980 – 1983
Là, c’était plus simple. Il n’y avait pas d’orgue, mais un simple instrument électronique affreux que je jouais pour rendre service aux prêtres de la paroisse. La seule chose dont je me souviens, c’est que le plus jeune des deux prêtres, fils de parents divorcés, m’incitait fortement à communier alors même que j’étais en procédure de divorce.
L’instrument était juste à la limite de la nef et du chœur, à gauche sur la photo de droite.
L’instrument était juste à la limite de la nef et du chœur, à gauche sur la photo de droite. Pendant que je jouais la communion, il venait m’apporter l’hostie. Comment refuser ?
« Si quelqu’un te dit quelque chose, tu me les enverras », disait-il.
Divers Instruments de LAVAL 1983 – 2002
Il me fallut quelques semaines d’emménagement et de prises de marques au travail et dans mes loisirs. J’avais en effet avec moi ma chienne Roxane dont mon ex-femme n’avait pas voulu s’encombrer. Ironie de l’histoire, la brave propriétaire qui s’était jurée, m’a-t-elle dit, de ne jamais louer l’appartement du 1 rue du Britais à quelqu’un qui avait un chien, à cause de la malpropreté que cela pouvait engendrer, eut sans doute pitié de moi et me consentit un bail sans rechigner. Je lui en sus infiniment gré. C’était pratique pour moi de loger à proximité immédiate de la mairie. Il fallait par contre dégager du temps pour sortir l’animal. Finalement, c’était plutôt elle qui me sortait. Je n’ai jamais été aussi svelte qu’alors. Au bout de quelques semaines, je ressentis à nouveau le besoin de faire de l’orgue autrement que sur le Johannus 2 claviers que j’avais à la maison.
Cathédrale de la Trinité Laval – Grand Orgue Cavaillé
Contact pris avec le Père Michel Trique, organiste titulaire de l’orgue de la Cathédrale, celui-ci me proposa de le remplacer quand il devait s’absenter. J’acceptai évidemment avec joie. Le clergé était fort sympathique.
Je commençai fort le week-end du 28 et 29 Avril 1984 :
Samedi après-midi : mariage à 16 h au Grand Orgue,
Dimanche matin : messe à 8 h 30 au Petit Orgue et à 10 h 30 au Grand Orgue,
Dimanche soir : messe à 18 h au Grand Orgue.
Je reviendrai plus tard sur le Petit Orgue.
Vous avez remarqué le nombre de messes le Dimanche ? A l’époque, il y avait des prêtres pour célébrer.
Le Grand Orgue Cavaillé-Coll de la Cathédrale de Laval est bien connu des amateurs d’orgue.
Je vous résume néanmoins son histoire.
Suivant le site www.culture.gouv.fr , en 1852 l’abbé Davost lance une souscription pour l’achat d’un nouvel orgue. Le marché est confié à Cavaillé-Coll qui doit construire un orgue de chœur, un orgue de tribune et reprendre l’ancien grand orgue. Celui-ci sera vendu à la paroisse St Pierre d’Oléron où il demeurerait encore aujourd’hui. Le buffet du nouvel orgue sera la première réalisation connue d’un modèle diffusé de nombreuses fois par la suite par Cavaillé-Coll. La partie instrumentale sera retouchée en 1870 et 1893 par Cavaillé-Coll et au début du 20ème siècle par le chanoine Fauchard et le facteur nantais Gloton. Devenu injouable en 1976 après la sécheresse, l’instrument fut restauré par le facteur nantais Renaud et le parti fut heureusement pris de revenir au plus près de l’orgue Cavaillé-Coll. La restauration fut achevée en 1980 à la satisfaction de tous.
Voici sa composition telle qu’elle est éditée dans l’ouvrage intitulé « Le grand orgue de la Cathédrale de Laval », par le Musée du Vieux Château de Laval sous la direction de mon ami, Conservateur de l’époque, Charles Schaettel.
Outre ces jeux, on peut noter :
Les tirasses GO et Récit,
Les appels d’anches Pédale, GO et Récit,
L’accouplement Récit / GO,
Le trémolo, l’octave grave et la boîte expressive du Récit.
Pendant des années, le Père Michel Trique donna sur ce Grand Orgue deux concerts par an, l’un aux Rameaux et l’autre à la Toussaint. (Voir un résumé de sa biographie sous l’onglet « Musiciens préférés »). Dans ces concerts, on découvrait évidemment le répertoire romantique et symphonique convenant particulièrement à l’instrument, mais aussi Jean Sébastien Bach et Buxtehude et ses propres compositions dont on trouvera, en quasi-totalité, la libre disposition sous l’onglet « Partitions gratuites ». Malheureusement, avec le désintérêt de la paroisse et des paroissiens, le Père Michel Trique mit fin à ces concerts et à ses compositions voici quelques années.
Cathédrale de la Trinité de Laval – Petit Orgue Positif Sévère
Il s’agit ici d’une autre esthétique. Yves Sévère est l’inventeur d’un procédé d’alimentation en air différent. Habituellement, l’air sous pression est accumulé dans un grand soufflet vertical dont la pression est réglée par des poids disposés sur sa table supérieure. Lorsque l’orgue joue, le soufflet se vide, mais il faut un délai, même infime, pour qu’il se remplisse. Avec le procédé d’Yves Sévère, l’air arrive directement dans le sommier qui comporte un régulateur anti-secousses. Il n’y a pas d’inertie. La régulation de l’air est plus rapide et plus précise.
Si mes souvenirs sont bons, la composition du positif de la Cathédrale de Laval devait être la suivante :
GO : Bourdon 8′, Prestant 4′, Tierce 1′ 3/5, Cymbale III r,
Positif : Flûte 8′, Flûte 4′, Doublette 2′, Larigot 1′ 1/3, + l’emplacement pour un Cromorne 8′,
Pédale : Soubasse 16′.
Tirasses GO et Positif,
Accouplement Positif et GO.
Basilique Notre Dame d’Avesnières de Laval
L’histoire de l’orgue de la Basilique d’Avesnières est originale et mérite d’être narrée.
On doit le croquis ci-dessous à Jules Planté, dans son ouvrage « La facture d’orgues au 16ème siècle » (Laval – 1889).
Jules Planté était notaire et organiste amateur à Ballots. Il a composé des Noëls et une Fantaisie sur l’Hymne Russe dédiée à Alexandre Guilmant. Il fut l’un des premiers membres de la Commission Historique et Archéologique de la Mayenne. Le croquis représente l’orgue construit par Dubois en 1590. Cet instrument se trouvait placé contre le mur sud de la nef de l’époque sur une petite tribune en nid d’hirondelle à 3 pans. Regardez tout en bas de l’orgue, vous verrez où se trouvait le fameux « papotier ».
C’était une figure grotesque articulée au gré de l’organiste. Elle ouvrait et fermait sa mâchoire et roulait ses yeux l’un de droite à gauche et l’autre de haut en bas.
A l’époque, les organiers aimaient ces attributs faits pour l’amusement des petits et des grands. Cette pièce rarissime a été retrouvée et rachetée par la Ville de Laval en 2006 avec l’aide de la Direction des Musées de France. Chacun peut la voir au Musée du Vieux Château de Laval.
L’instrument d’origine comportait un seul clavier et quelques notes graves de pédale. L’organiste disposait d’un « plain-jeu », de « mutations » et d’anches, ainsi que de nombreux accessoires : « rossignols », « tambours », « estoiles » et le fameux « papot ».
Il fit plusieurs fois l’objet de modifications substantielles. On connaît des compositions différentes du dernier quart du 17ème siècle et de la fin du 18ème. Il sera démonté lors de la construction de l’orgue Debierre en 1895. Le buffet fut entreposé à la sacristie, puis à St Martin (et à Torcé-Viviers ?). Debierre avait construit en 1888 son premier orgue à transmission électropneumatique pour le théâtre Graslin de Nantes.
Il fallait un nouvel orgue pour Avesnières. Jules Planté et la Commission Historique étaient d’avis de ne pas réutiliser le buffet ancien. Il ne pouvait pas être question de laisser l’orgue contre le mur sud. Installé contre la façade ouest, il aurait occulté la fenêtre éclairant la nef déjà très sombre. Debierre proposa une solution originale.
On a peut-être du mal à voir. Mais si vous regardez bien les contours de la fenêtre, vous devinez l’orgue en forme d’arc de triomphe, tel qu’il est aujourd’hui.
Sa composition de 1895 était constituée comme indiquée sur le tableau ci-dessous (extrait du bulletin SAHM n° 10 de 1987).
La console était en milieu de tribune face au chœur. Contacts pris avec le Père Rouzière, curé, et Albert Ribaut, titulaire, je fus intégré au groupe des organistes. Il y avait trois messes : une le Samedi soir et deux le Dimanche matin. Nous nous les partagions.
Composition actuelle de l’orgue
Et cela dura jusqu’à la fin de l’année 2002 quand nous quittâmes Laval pour Juvigny sous Andaine, beaucoup plus proche de Bagnoles de l’Orne.
Église de Tessé la Madeleine 1996 / 1999
Église Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne – depuis 2000
Après la restauration, ou plutôt la reconstruction intégrale de l’orgue de son église de Tessé la Madeleine par Jean François Dupont en 1996, le Père Yves Petit, curé, me fit l’honneur de me nommer titulaire de l’instrument. (C’était aussi parce que Laval n’était pas trop loin !).
Une partie très importante du présent site est consacrée à cet orgue sous l’onglet « L’orgue de Bagnoles ». Il faut savoir en effet qu’en l’an 2000, les communes de Tessé la Madeleine et de Bagnoles de l’Orne firent l’objet d’une fusion.
L’église de Tessé la Madeleine devint donc l’église « Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne », dans le quartier de « Bagnoles Château », par opposition au quartier de « Bagnoles Lac » où se trouve située l’église du « Sacré Cœur »
Il est vrai que pendant cette période je jouais en principe sur trois instruments différents (le Petit Orgue de la Cathédrale de Laval n’était plus utilisé pour les services dominicaux). Mais il faut ajouter qu’à Laval le nombre de messes dominicales s’était considérablement réduit.
Le tableau suivant donne une idée précise de la situation en 1998.
Œuvres composées pour l’orgue de Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne
Il m’a évidemment été très agréable que des auteurs me fassent l’honneur de composer des œuvres pour l’orgue de Sainte Madeleine et de me les dédier. On retrouvera ces éléments par ailleurs, mais je ne résiste pas au plaisir de vous les annoncer dès maintenant.
Il y eut d’abord le « Livre d’orgue op. 15 » de Michel Trique, 7 pièces dans la tradition classique française, que j’eus l’honneur de jouer en première audition à Sainte Madeleine le 10 Juin 2001 et d’enregistrer sur le CD « Découvrez cet orgue méconnu : Ste Madeleine de Bagnoles de l’Orne » gravé en 2006, épuisé en 2008 et dont je viens de faire retirer à mon compte une petite provision. Successivement : Prélude, Fugue, Récit de cornet, Basse et dessus de trompette, Fonds d’orgue, Récit de tierce en taille et Postlude. Vous trouvez cette œuvre gratuitement sous l’onglet « Partitions gratuites ». Compte tenu de leur volume, les 7 pièces sont partagées en deux PDF successifs : 1 à 4 et 5 à 7.
Il y eut également la « Suite pour un orgue classique français » de Sir Nicholas Jackson, Bt. Cette œuvre comprend 5 pièces : Prélude, Tierce en taille, Cantilène, Basse et dessus de trompette, Caprice. Elle a été créée par l’auteur à Ste Madeleine le 25 Avril 2010 et est en vente sur son site : www.jacksonmusic.co.uk
Il y a enfin une « Variation sur l’Ode à la Joie » composée par Jean Paul Verpeaux le 11 Septembre 2011 et enregistrée sur l’orgue virtuel « Sancta Magdalena » réalisé par lui à partir des sons enregistrés sur l’orgue de Sainte Madeleine. Vous trouvez la partition sous l’onglet « Partitions » avec la référence v020A. Ne confondez pas avec une autre Variation sur le même thème également numérotée 240 et composée pour l’orgue virtuel « Moseles » sous la référence v022vmb
Saint Bertrand de Comminges, petite commune d’aujourd’hui quelques 250 habitants, fait officiellement partie des « plus beaux villages de France ». En bordure de la Garonne et au milieu des Pyrénées, cette cité commande l’un des accès à l’Espagne.
Vers 72 avant J-C, la cité devient romaine sous le nom de Lugdunum convenarum. Hérode Antipas s’y serait réfugié. A partir du règne d’Auguste, elle se développe jusqu’à atteindre 10000 habitants autour de son champ de foire dans la plaine. Au IVe siècle, elle est rattachée à l’Aquitaine et perd peu à peu de son importance. Au VE siècle, on construit le rempart de la ville haute, mais la ville basse continue à exister et à s’embellir. Au Moyen Âge, Saint-Bertrand-de-Comminges devient une étape du chemin du Piedmont pour le pèlerinage de St Jacques de Compostelle. Le haut Moyen Âge est marqué par la destruction de la ville basse et le repli des habitants vers la ville haute.
En 1295, le pape Boniface VIII nomme Bertrand de Got, évêque de Comminges. Celui-ci devient en 1299 archevêque de Bordeaux, puis en 1305 premier pape à Avignon, sous le nom de Clément V. En 1304, il lance la construction d’une nouvelle église gothique et en 1309 il y transporte lui-même les reliques de saint Bertrand. Il favorise le culte du saint, faisant de son tombeau le centre d’un grand pèlerinage. L’église gothique est achevée en 1350. En 1456, le comté de Comminges est rattaché à la France, mais il conserve sa notoriété spirituelle. En 1535 la cathédrale s’enrichit d’un chœur renaissance et d’un buffet d’orgue.
Actuellement, la commune vit essentiellement du tourisme, surtout sur la ville haute autour de la cathédrale, la ville basse vivant surtout de l’agriculture. Chaque année près de 80 000 touristes visitent les sites de Lugdunum et de Saint-Bertrand-de-Comminges. Les orgues de la Cathédrale contribuent grandement à l’animation de la cité. Des Académies y sont organisées, comme en 1987. Dans la Cathédrale, des séries de concerts de qualité attirent les mélomanes.
La photo ci-dessus représente l’orgue de Saint Bertrand de Comminges dans sa configuration exacte. Précision que je pense utile. J’ai par ailleurs en effet un grand poster où l’orgue est inversé (et un tapis de souris d’ordinateur, venant de l’étranger il est vrai, titrant « St Bertrand de Cominges (avec un seul « m »). Je me souviens très bien de Michel Chapuis nous haranguant de la chaire à toit ouvert située complètement à droite de la photo, en haut de l’escalier.
XVIIè s. – Swiderski, 1981 – composition
Grand-Orgue
Echo
Positif intérieur
Pédale
Montre 16′
Bourdon 8′
Montre 8′
Bourdon 32′
Montre 8′
Flûte à cheminée 4′
Bourdon 8′
Flûte 16′
Bourdon 8′
Doublette 2′
Prestant 4′
Flûte 8′
Prestant 4′
Nazard 2 2/3′
Flûte à cheminée 4′
Flûte 4′
Tierce 3 1/5′
Tierce 1 3/5
Nazard 2 2/3′
Bombarde 16′
Nazard 2 2/3′
Sifflet 1′
Doublette 2′
Trompette 8′
Doublette 2′
Régale 16′
Tierce 1 3/5′
Clairon 4′
Fourniture V
Larigot 1 1/3′
Cymbale IV
Fourniture IV
Cornet V
Cymbale III
Trompette 8′
Trompette 8′
Clairon 4′
Hautbois 8′
Voix humaine 8′
Cromorne 8′
Autres caractéristiques :
40 jeux – 3 claviers manuels de 54 notes et pédalier 30 notes Accouplement Pos/GO-Echo/GO
Expression Echo Tremblant GO – Pos – Echo console en fenêtre – mécanique suspendue
Ayant découvert l’orgue de la Collégiale de Dole en 1938, Michel Chapuis travaille avec Jeanne Marguillard à Besançon puis à l’école César Franck de Paris.
En 1951, il obtient un Premier prix d’interprétation et d’improvisation au Conservatoire de Paris, dans la classe de Marcel Dupré. A partir de 1954, il est organiste dans différentes églises parisiennes notamment Saint Nicolas des Champs, l’orgue de chœur de ND et Saint Séverin par quartiers. A partir de 1956, il est Professeur aux Conservatoires de Strasbourg, puis de Besançon, avant de devenir de 1986 à 1996 Professeur au Conservatoire National Supérieur de Paris. Il finira sa carrière comme organiste titulaire de la chapelle du Château de Versailles de 1995 à 2010, avant de devenir organiste honoraire du même instrument.
Il fut l’un des principaux artisans du renouveau de la musique baroque en France, avec Robert Boisseau, Jean Fellot et Pierre Hardouin pour la facture d’orgue et avec Francis Chapelet, René Saorgin, Marie Claire Alain, Jean Boyer et plusieurs autres, pour l’interprétation de la musique française des 17ème et 18ème siècles : ornementations, notes inégales, registrations, etc … Sa discographie est très abondante. Voir le site de :
Musicologue expérimenté, Jean Saint-Arroman a travaillé longuement (par exemple avec Michel Chapuis et Jean Boyer) pour retrouver les règles d’interprétation de la musique pour orgue française des 17ème et 18ème siècles. Il enseigne au CNSMP de Paris et au CEFEDEM d’Ile de France.
Il publie en 1985 et 1988, 2 dictionnaires d’interprétation pour la période de 1661 à 1789. Ces dictionnaires figurent toujours au catalogue de la librairie Honoré Champion, mais avec la mention RSD, c’est-à-dire Réimpression Sans Date. Par contre en tapant sur Google leurs titres exacts « L’interprétation de la musique française 1661 – 1789 », on tombe sur une multitude de sites qui les évoquent. En 2005, il publiera chez Fuzeau 5 volumes de fac-similés des méthodes, ouvrages, préfaces, encyclopédies et cérémonials de 1600 à 1800. On y trouve par exemple l’Art du Facteur d’Orgue de Dom Bédos. Vous trouvez la description de ces cinq volumes ici :
Comment résumer les 17 pages bien correctement calligraphiées par une collègue des cours de Jean Saint-Arroman et les 10 pages de notes en pattes de mouche griffonnées par votre serviteur des leçons de Michel Chapuis ?
Jean saint-aroman
1er cours de la messe
Du début du règne de Louis XIV à la Révolution, les pratiques évoluent suivant les églises et les monastères. La disposition des fidèles dans l’église dépend de leur niveau social. On ne regarde pas à la durée des offices. On a le goût du décor et du théâtre. L’orgue fait partie de ce monde différent du nôtre. Il est sous l’autorité du clergé. Il ne sert que pour les offices, avec un rôle différent suivant la nature de la fête. Il n’y a pas de concerts d’orgue. Les organistes sont aussi clavecinistes et maîtres de chapelle.
La Messe est le plus important et le plus solennel des offices. Les parties invariables constituent l’ordinaire, les autres le propre.
Procession : on fait la bénédiction de l’eau, on bénit l’autel, le prêtre, les fidèles, les bâtiments, les chapelles et on revient à l’autel. On peut chanter le Miserere ou l’Asperges me. Averti par une clochette, l’orgue peut boucher les trous.
Prières au bas de l’autel : on chante l’Introït, l’orgue n’intervient pas.
Kyrie : se chante en plain-chant ou en musique et peut être alterné avec l’orgue; à l’origine, on séparait les mots « Kyrie » et « Eleïson » par une longue vocalise qu’on appelait « trope » comme « fons bonitatis » ou « cunctipotens genitor Deus ».
Gloria : chanté après le Kyrie (sauf pendant l’Avent et le Carême), peut être en plain-chant, en musique ou alterné avec l’orgue.
Épître : psalmodié dans le missel.
Graduel : généralement chanté, mais peut être remplacé par l’orgue.
Prose : chantée aux grandes fêtes, le plus souvent en mesure ternaire, parfois en mesure binaire ou en notes égales (Dies irae); éventuellement alternée avec l’orgue.
Évangile : psalmodiée dans le missel.
Credo : toujours chanté en plain-chant, sans aucune participation de l’orgue.
Offertoire : parfois chanté en plain-chant, mais souvent remplacé par une longue pièce d’orgue.
Sanctus : toujours alterné avec l’orgue.
Élévation : chantée (« O salutaris hostia ») ou jouée à l’orgue.
Benedictus : chanté immédiatement après le Sanctus ou après l’élévation.
Agnus Dei : toujours alterné avec l’orgue;
Communion : chantée en plain-chant ou remplacée par un motet ou une pièce d’orgue.
Ite missa est : chanté par l’officiant, avec réponse chantée ou jouée brièvement à l’orgue.
Domine salvum fac regem : chanté en plain-chant ou sous forme de motet.
Sortie : le prêtre dit le dernier évangile à voix basse ou en allant à la sacristie; l’orgue peut jouer.
Voici, à titre d’exemple, le programme de la messe qui fut donnée le 2 Août 1987 à la Cathédrale de St Bertrand de Comminges avec Michel Chapuis à l’orgue, bien entendu.
2èmes cours : Les Vêpres et les complies
Les Vêpres constituent l’office de l’après-midi : les « premières » vêpres la veille de la fête et les « secondes » vêpres le jour de la fête.
Le plan général de la célébration est toujours le même :
Prière initiale (Deus in adjutorium)
5 psaumes accompagnés de leur antienne jouée par l’orgue, Geoffroy écrit une alternance des versets du psaume « Memento Domine David » avec l’orgue
Capitule : courte prière chantée par l’officiant
Hymne : généralement alternée entre le chant et l’orgue, Beaucoup de compositeurs ont écrit des versets pour orgue, principalement pour le Veni Creator, le Pange lingua et l’Ave Maris stella, L’orgue joue directement le premier verset sur le plein jeu, sa participation à l’alternance peut être parfois irrégulière,
Magnificat : chanté avec son antienne, parfois sous forme de motet ou en faux-bourdon, mais le plus souvent alterné avec l’orgue, Comme pour l’hymne, l’orgue commence et l’alternance peut être irrégulière
Registrations les plus habituelles
Verset
Registration
Magnificat
Plein jeu avec pédale de trompette
Quia respexit
Très souvent un duo
Deposuit potentes
Souvent basse de trompette ou de cromorne
Gloria Patri
Grand jeu, souvent en Dialogue
Amen
Petit plein jeu, parfois grand plein jeu
Les Suites d’orgue peuvent souvent être utilisées pour le Magnificat, On sait par un livre de l’époque que les « suites » de Nivers étaient conçues pour le Magnificat, Lorsqu’il y a plus de versets que nécessaire, on choisit selon son goût,
Oraison : prière du jour,
Benedicamus Domino : suivi d’un motet ou du Deo gratias joué par l’orgue.
Les Complies constituent l’office placé en fin de journée, c’est la dernière des heures canoniales.
Elles comportent une leçon brève, des psaumes, une hymne, le cantique « Nunc dimittis » et une antienne à la Vierge. L’orgue peut intervenir, notamment aux fêtes solennelles, pour l’hymne, le « Nunc dimitis » ou l’antienne de la Vierge. Babou a écrit un Salve Regina contenant des versets d’orgue et l’accompagnement des versets chantés.
3ème cours : Le Plain-Chant aux 17ème et 18ème siècles
Le plain-chant s’écrit sur 4 lignes numérotées de haut en bas. Il y a 5 clés : ut 1ère ligne, ut 2ème ligne, ut 3ème ligne, fa 1ère ligne et fa 2ème ligne.
Le nombre des valeurs de notes est limité :
les carrées ou simples valent 2 brèves,
les brèves valent la moitié d’une carrée ou simple,
les notes à queues sont des longues et valent 1 carrée ½ ou 2 carrées.
Les valeurs des notes peuvent être lues comme indiqué ci-dessus ou en notes égales. A l’époque, le système de notation est assez libre. Le plain-chant peut aussi être écrit en notation moderne, notamment lorsqu’il doit être accompagné d’une basse chiffrée. Le plain-chant ordinaire peut être orné de tremblements; dans le plain-chant musical, les agréments sont comme dans la musique profane.
Les barres verticales marquent des séparations ou respirations proportionnelles à leur hauteur. Les doubles barres marquent généralement une fin de verset ou de pièce, ou servent à isoler une partie du texte.
Le plain-chant comporte 8 tons que Hardouin résume ainsi dans la méthode qu’il publie à Reims en 1760.
Chaque ton à son caractère
Comme le dit Oudoux dans la méthode qu’il publie à Paris en 1776, des transpositions peuvent être nécessaires (voir ci-dessous).
Il n’y avait pas de diapason pour le plain chant. Et l’accord des orgues différait quelque peu suivant les églises.
Les faux-bourdons peuvent être écrits à 2, 3 ou 4 voix. Ils sont utilisés pour les psaumes, les hymnes et quelques Magnificat. La complexité de leur réalisation est très variable.
4ème cours: l’évolution de la registration de 1650 à la Révolution
On trouve partout maintenant les tables de registration de la musique d’orgue baroque française, y compris dans les ouvrages cités plus haut de Jean Saint-Arroman lui-même. Je me dispenserai donc de recopier les 5 pages de notes prises à ce sujet et de renvoyer :
A ses 5 volumes des fac-similés de 1600 à 1800 utiles pour rechercher par auteur une table de registration bien déterminée,
Et surtout à ses 2 dictionnaires où l’on retrouve de façon méthodique l’évolution de la registration par forme musicale.
Petit reproche à l’éditeur de ces dictionnaires. Un rappel en haut de page de la rubrique traitée serait bien pratique. Ci-dessous, une mini table des matières des articles par forme musicale par forme musicale, sans mention des pages de simple renvoi.
Le volume 2 est plus complet en ce qui concerne l’orgue. Le volume 1 constitue plutôt une initiation générale.
5ème cours : les ornements
Il existe plusieurs sortes d’ornements qui sont tous signalés dans des traités anciens; on distingue les classiques et les pré-classiques.
Les tremblements :
Le tremblement simple ne comporte pas d’effet spécial,
Le tremblement lié, généralement indiqué par l’auteur, comporte une liaison et se commence après le temps,
Le tremblement évité prend appui sur presque tout le temps suivi d’un petit tremblement, il n’est pas signalé par l’auteur mais toujours indiqué par les traités pour les césures,
Le tremblement progressif est usité soit dans les cadences finales, soit dans les grandes suspensions,
Le tremblement avec cadence se ferme par une ou deux petites notes,
Le tremblement appuyé est précédé d’un appui et commence après lui,
Le tremblement pincé rend la note très brillante, on l’emploie après le port de voix ou pour accentuer une note.
La cadence se fait sans tremblement.
L’accent supérieur ou inférieur est souvent écrit en note réelle avant la cadence pour lui conserver son caractère très bref.
La chute est une petite note qui anticipe sur la seconde note de l’intervalle, on la lisse tomber sans l’accentuer.
Le coulé est une petite note qui se place sur le degré supérieur et se fait toujours avec légèreté. A l’époque classique, le coulé supérieur se fait sur le temps suivant la longueur de la note principale. A l’époque préclassique, c’est un coulé de tierce avant le temps. Quand il est écrit, il conserve toute sa souplesse.
Le port de voix ou coulé double s’effectue soit sur le temps, soit avant le temps, suivant la période. Il s’exécute toujours suivant le caractère de la pièce, plus ou moins rapidement.
6èmes cours : Le diapason et le tempérament
Il existait plusieurs diapasons :
Le ton de chapelle : dans les grandes églises et Cathédrales, d’après le diapason de la Chapelle du Roy à Versailles,
Le ton de couvent : pour les religieuses, ½ ton plus haut que le ton de chapelle,
Le ton de chambre : 1 ton plus haut que le ton de chapelle,
Le ton d’opéra : 1 ton au-dessous du ton de chapelle.
Le ton de chapelle a évolué avec le temps. Vers 1650, il était environ 1 ton en dessous du diapason actuel. Vers 1675, il remonte d’½ ton. Louvois prend une ordonnance à ce sujet en 1683. Au milieu du 18ème siècle, on le redescend d’½ à 1 ton.
Le diapason des orgues a une grande importance sur l’expression des œuvres jouées et pour l’accompagnement des voix.
Le tempérament est au moins aussi primordial. On pose généralement la problématique en termes de tempérament égal ou inégal. Un son est composé de sa note principale et de ses harmoniques dont les intervalles sont naturellement justes. Mais si l’on suppose 12 quintes justes à partir d’un fa, on aboutit à un mi# plus haut que la fa initial. C’est le tempérament inégal.
Il faut donc moduler la hauteur de certains intervalles si l’on veut que le fa final soit à l’octave juste du fa initial. C’est ce que Bach a fait dans son clavier bien tempéré où tous les intervalles entre les ½ tons sont à peu près égaux. En France, on conservera plus longtemps le tempérament inégal, ce qui interdira pratiquement l’emploi de certaines tonalités.
Tonalités très bonnes : do M, ré M, ré m, fa M, sol M, sol m, la M, la m, si b M,
Tonalités acceptables : ut m en évitant le 4ème degré, et le 6ème sur la b, ainsi que mi m et si m en évitant le 5ème degré en accord parfait,
Tonalités très délicates : mi b M et mi M,
Tonalités impossibles : la b M, fa m et si M.
Les pièces baroques françaises jouées sur un orgue ancien ou à l’ancienne sonnent très différemment que sur les orgues modernes. Elles prennent leur véritable relief. Mais les œuvres chromatiques ayant des ½ tons à valeurs irrégulières nous paraissent sonner faux.
Les auteurs de l’époque sont invités à masquer les accords sonnant mal. Certains interprètes comme Michel Chapuis le pratiquent régulièrement dans ses concerts.
L’important est de faire quelque chose de beau. Tout le reste passe après. Si l’on n’a pas dans un orgue les jeux nécessaires pour jouer telle pièce, il vaut mieux changer de répertoire. Si l’on n’a pas un orgue assez puissant pour jouer Balbastre, il faut soit meubler les accords, soit jouer autre chose.
Michel Chapuis
Si je me trompe, qu’il me le pardonne. Mais je ne me souviens pas que l’enseignement de Michel Chapuis fût dispensé sous forme de cours strictement pré-organisés. Je pense qu’il s’adapta pour une bonne part à la demande des stagiaires.
La tierce en taille est un récit qui s’interprète librement. En général très lyrique, il utilise deux modes d’expression : la douceur et la vivacité. Le cromorne en taille, lui, est en principe toujours en douceur, mais les deux genres se confondent parfois et on trouve rarement le titre : « cromorne ou tierce en taille ».
La tierce en taille s’accompagne généralement sur le fonds d’orgue complet. Actuellement, les fonds sont souvent trop forts. La facture d’orgue a évolué. Entre Couperin et Dom Bédos, un siècle s’est écoulé. Elle disparaît des Livres vers 1730-1740 quand le nombre de jeux se renforce. Utiliser aujourd’hui un 16 pieds à la pédale n’est donc pas un contresens. Mais attention à l’harmonie si on ne met qu’un 8 pieds en pédale.
On module les tremblements suivant le caractère de la pièce : tremblement mou = 2 battements lents; port de voix = petite note venant du bas; coulé = petite note venant du haut. Les tremblements marquent les 3ème et 7ème degrés ou les notes altérées. Ils sont liés dans les traits volubiles ou au contraire dans les mouvements lents. L’attaque par la note supérieure donne du brillant. Pour jouer une tierce en taille, faire une introduction très dépouillée et réserver l’effet pour l’entrée de la tierce.
Dans les grands récitatifs en doubles croches, repérer les points expressifs et ne pas rechercher des effets symétriques. Les liaisons indiquent un louré : les notes sont égales par deux. On utilise le rythme lombard quand c’est la 2ème note qui est dans l’harmonie.
Le dialogue du Domine Deus du Gloria de la messe des paroisses de Couperin est la seule pièce baroque qui demande un mélange creux (bourdon et larigot) pour l’accompagnement de la basse de trompette. A l’époque, le larigot était beaucoup plus flûté qu’aujourd’hui. Dans ce genre de pièce, l’agrémentation doit être fondée sur l’expression de la phrase. Mais dans ce verset de Couperin, il n’y a pas lieu de surajouter des agréments à ceux de l’auteur.
Avant le concile de Trente, il y avait trois grandes écoles de chant grégorien : St Martin de Tours (rite germain), Aquitaine (rite mozarabe) et Ambroisien (rite lyonnais). Les liturgies dépendaient des évêques et des conciles locaux. Le concile de Trente (1614) unifia le chant de l’église (rite romain).
Ces prescriptions étaient en principe obligatoires, mais on admettait des exceptions. Certaines séquences de différents rites ont été incorporées au rite romain, par exemple le Vexilla Regis. De toute façon, les frontières n’étaient pas étanches entre les différentes écoles. A St Denis, on chantait des messes grecques. A Salamanque, il y a peu, on usait du rite romain dans l’église et du rite mozarabe dans une chapelle.
Le plain-chant a constitué une simplification quasi syllabique du chant du Moyen âge.
Les Hymnes étaient souvent composées suivant les règles de la prosodie antique. Les principales sortes de versification utilisées étaient les suivantes :
Diamètre iambique : Creator alme siderum;
Trimères iambiques : Decora lux;
Trimères trochaïques : Pange lingua;
Strophes saphiques : Iste confessor;
Asclépiade : Sanctorum meritis.
La simplification du chant a fait que l’on a abandonné ces rythmes et on s’est mis à chanter tout en notes égales.
Chez Grigny par exemple, les thèmes des hymnes sont en notes égales. Voir ci dessous une version dans le rythme utilisé par Grigny.
Elle a été trouvée par Michel Chapuis dans un antiphonaire de Grenoble. Le plain-chant musical, quant à lui, a été institué par les oratoriens en 1634. Le tempo du chant était fonction de la fête, plus lent pour les fêtes solennelles.
Pour les jansénistes, le chant ecclésiastique devait toujours être très lent et comporter de nombreuses césures. Le 19ème siècle est marqué par l’apparition à Paris des premiers orgues de chœur qui remplacent les serpents, ophicléides et contrebasses. Le plain-chant est tout à fait différent de celui des siècles précédents. Dans le système Niedermeyer, il y a un accord par neume. Avant l’édition vaticane du début du 20ème siècle, on pouvait utiliser les anciens livres. Ce fut ensuite le renouveau du grégorien avec Dom Guéranger, Dom Pottier … mais Solesmes a un peu tout mis dans le même sac en confondant toutes les époques. Voici par exemple 2 versions du Kyrie du 6ème ton de Dumont. L’originale et celle de Solesmes.
A la fin du 18ème siècle, la musique a tellement altéré les modes qu’ils se sont quasiment trouvés réduits à deux : les 1er et 2ème modes sont devenus « mineurs »; les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème modes sont devenus « majeurs » par emploi de la sensible; les 3ème et 4ème modes sont tombés en désuétude, ils ne différaient des 1er et 2ème que par la finale.
Michel Chapuis fit aussi quelques incursions hors du baroque français proprement dit.
Par exemple la Fantasia Chromatica de Sweelinck.
Au 16ème siècle, il y avait une assez grande unité des styles en Europe. Ce n’est qu’ensuite que les différentes écoles se sont caractérisées. Par exemple, John Bull s’est attribué le Fantasia Chromatica de Sweelinck. Comme celle-ci, la Fantaisie de Racquet est également en trois parties. Les premiers instruments parisiens étaient venus des Flandres. Comme chez Titelouze et Cabezon, il a pu y avoir des erreurs dans la transcription des altérations. Les cadences modales sont des erreurs.
La sensible s’est imposée dès le 13ème siècle. Dans son Traité du 15ème siècle, Tinctoris indique que la note finale est toujours située au semi-ton de la pénultième. Plus près de nous, les exemples donnés par De La Feillée sur les altérations non indiquées sont très intéressants. Ainsi, en Fa, il faut systématiquement ajouter, dans la suite de notes Fa Sol La Si, un bémol au Si même s’il n’est pas précisé. La Fantaisie de Sweelinck se présente en trois parties où les diminutions deviennent de plus en plus nombreuses. Pour l’interprétation des diminutions, il faut toujours rechercher leur raison d’être. Dans la première partie, on peut utiliser une synthèse flûtée et assurer ensuite une progression. Les types d’harmonisation sont différents suivant les orgues. En Italie, les tuyaux sont très riches en harmoniques. En France, les bouches sont assez basses et larges. En Allemagne, plutôt hautes et étroites.
Aussi le Te Deum de Buxtehude.
C’est avec le Te Deum de Bach un exemple très intéressant d’accompagnement d’un choral reprenant les thèmes grégoriens. Buxtehude écrit d’abord une grande introduction dont le prélude se touche sur le grand plein jeu et la fin sur une synthèse flûtée. Dans l’orgue allemand, le positif ne s’accouple généralement pas. C’est un clavier récitant plus proche des auditeurs. Le pincé ou le tremblement s’exécute selon le rôle qu’on leur assigne. Assez court à la fin du morceau. Plus long en début de pièce dans une tessiture grave. C. P. E. Bach n’articule pas toujours la note réelle.
L’orgue de Buxtehude comporte quatre claviers. Il devait bien parfois les utiliser, par exemple pour des échos successifs. La musique de Buxtehude est toute de contrastes. C’est peut-être la seule vraie musique d’orgue où l’on ressent très bien les différents plans sonores. Le bicinium du Te Deum se joue dans la force jusqu’à la fin du thème à la pédale. Mais le conclusion du verset se joue plus « céleste ». On n’est plus dans une écriture de grand plein jeu. C’est toujours l’écriture qui guide la registration. Dans le verset Tu devicto, on sent les aiguillons de la mort. Il faut une registration un peu pointue. Mais le style d’écriture change à la fin.
De même que lePraeludium, Fuge und Ciacona de Buxtehude.
Vue de Lübeck en 1641 (Wikipedia)
Michel Chapuis trouve la conclusion du Prélude plus intéressante dans l’édition Breitkopf, même avec une anche au pédalier. Dans le thème du passage fugué, prendre l’ornement par la note réelle pour éviter l’octave. A la fin du passage syncopé, ne pas ralentir, tenir le discours en haleine. Le récitatif qui suit peut être rubato, mais bien garder le rythme. Dans le port de voix sur la sensible, la lier, ne pas l’affaiblir.
La Fugue peut être enchaînée dans la même couleur que le Prélude ou appeler un changement de plan. Le 16′ manuel étant un peu lourd pour une fugue, on peut commencer sur le deuxième clavier. Le passage sans pédale se fait sur le troisième clavier. On revient au deuxième clavier après l’entrée de pédale, sur les accords manuels. Dans un crescendo naturel, descendre ensuite la main gauche au GO. Ensuite jouer tout sur le GO. (On pourrait aussi partir du plus fort pour aller vers le plus doux). A la fin, ajouter la trompette de pédale. Pour les passages rapides, dans les traits on détache les notes, dans les coulades on les lie. Le 1er passage est joué comme un trait, pour la brillance. Le 2nd comme une coulade comme un appui avant la péroraison.
Dans la Chaconne, on adopte un mouvement rapide, mais sans excès. Le 3/2 habituel était joué lentement. Dans la conclusion, le fa est vraisemblablement altéré pour une cadence avec double sensible. Le toucher est plutôt détaché à la pédale et plutôt lié aux manuels. Le son ne doit pas être trop réduit entre les accords. Il faut du temps aux sons graves pour s’épanouir.
Signature Buxtehude (Wikimedia)
Pour finir, Michel Chapuis nous emmena vers le Livre d’orgue de Louis Marchand
Gallica Bnf
Tout d’abord son Prélude à double pédale. A l’époque, les pédaliers étaient très variables suivant les organistes et les facteurs. A l’orgue Clicquot de St Sulpice, le pédalier comptait 36 notes, du fa en ravalement jusqu’au fa aigu. Le plus grand pédalier construit en France, aux Jacobins de Paris, comptait 45 touches. Dans les couvents, on ne cherchait pas l’effet, les pédaliers étaient peu étendus. Chez François Couperin, dans la messe des paroisses le pédalier monte au fa alors que dans la messe des couvents il comprend 18 notes seulement. Il faut jour très lié, très lent, avec peu d’ornements.
Si l’on fait des ornements, on tient compte de la tessiture : dans le grave, très lent; au soprano, plus serré. Si l’on fait des respirations, c’est d’une seule main à la fois. On peut faire un pincé assez modéré sur le premier ré. Le motif d’introduction peut être joué en croches, en doubles croches ou en petites notes. On peut aussi faire 2 notes égales et le 3ème en port de voix. Le C barré pouvait correspondre à 4 temps rapides ou 2 temps modérés. Il y a deux harmonies par mesure, mais on peut battre à quatre temps. Quand on rajoute des accents, on les lie, avant le temps, à la note principale antérieure. Michel Corrette recommande de fournir le grand plein jeu suivant les lois harmoniques. Le plein jeu baroque français est résultant et harmonique; le plein jeu pré classique avec tierce est polyphonique et mélodique. Les successions de quintes et d’octaves sont masquées par les résultantes.
Enfin la Tierce en taille. Ce pourrait être d’ailleurs un cromorne en taille. Il n’y a pas de virtuosités. Le récitatif après l’accord de sixte peut être joué librement. Règle pour les doubles terminaisons : les petites notes prennent les altérations de la note principale sauf si on les traite comme un accent inférieur suivi d’un port de voix supérieur vers la note principale. A l’avant dernière mesure, faire un port de voix suivi d’un accent et lier les trois notes. L’introduction de la tierce en taille crée son atmosphère générale; on ne peut bien la jouer que si l’on connaît l’ensemble de la pièce.
Le concert final des stagiaires réunit dans un programme assez éclectique les élèves de Michel Chapuis et André Stricker. Pour ma part, je me cantonnai au baroque français pour lequel j’étais venu travailler avec Michel Chapuis et Jean Saint-Arroman.
Jean Claude Duval – 12 Avril 2013 et 20 Septembre 2020
Un orgue à Tessé la Madeleine ?
à Bagnoles de l’Orne ?
Mis à part quelques heureux privilégiés, qui connaissait l’orgue de Tessé la Madeleine ? qui connaît l’orgue de Bagnoles de l’Orne ? En Novembre 1983, un « Répertoire provisoire des orgues du département de l’Orne » est effectué par l’Association pour le développement musical en Basse Normandie, Maison des Quatrans, 25 rue de geôle, 14051 Caen Cedex – Tel (31) 86 37 10″.
Il n’est nullement question dans ce document de l’orgue de Tessé la Madeleine. Et pourtant, cet instrument existe bien depuis plus d’un siècle. Il est même en phase de restauration par les facteurs Koenig diligentés par le Père Yves Petit sur les conseils de Michel Trique, organiste de la Cathédrale de Laval. J’imagine qu’il a pu y avoir confusion avec l’église « Sainte Madeleine » de La Chapelle d’Andaine, dont l’orgue est décrit dans le document. A supposer qu’ils aient été contactés, les Tesséens ont-ils pu se montrer méfiants envers un éventuel contrôle des « affaires culturelles » ?
Vous aurez peut-être du mal à lire la carte ci-dessous. Si vous zoomez sur les deux cantons de La Ferté-Macé et de Juvigny sous Andaine, vous verrez dans le premier l’indication de deux orgues (il s’agit des grandes orgues et du petit orgue de l’église de La Ferté Macé) et dans le second de l’instrument de l’église de La Chapelle d’Andaine. Tessé la Madeleine et, a fortiori,Bagnoles de l’Orne n’existent pas.
Et pourtant, il faut dire et redire aujourd’hui qu’il existe bien à l’église Sainte Madeleine de Bagnoles de l’Orne (puisque c’est ainsi qu’on s’exprime depuis la fusion, en 2000, de Tessé la Madeleine et Bagnoles de l’Orne) un orgue de deux claviers et demi et pédalier qui présente un très grand intérêt. Tous les organistes qui le touchent en disent le plus grand bien.
Scrupuleusement entretenu par la municipalité, il est au cœur de l’organisation de concerts gratuits, mais de qualité, destinés à le mettre en valeur. La municipalité de Bagnoles apporte également un très précieux concours à la publicité des concerts.
Pour tout savoir sur cet orgue méconnu, vous trouverez à la suite de cet article :
La brochure qui raconte l’histoire de l’orgue jusqu’à sa restauration par Koenig en 1983-1984,
Le dépliant qui explique la transformation complète de l’instrument réalisée par Jean François Dupont en 1995-1996,
L’Association des Amis de l’Orgue, son rôle statutaire, son bureau, les règles appliquées aux concerts qu’elle organise …
Une notice succincte sur le CD de présentation de l’orgue enregistré en 2006 et épuisé dès 2008, mais dont un retirage privé très limité vient d’être réalisé,
Un renvoi au site de « l’orgue virtuel » créé par un ami organiste et électronicien à partir des sons enregistrés des tuyaux de l’orgue de Sainte Madeleine,
Quelques exemples des concerts donnés sur l’instrument. Vous excuserez la qualité technique des extraits proposés. L’enregistrement est dû à votre serviteur soit sur un appareil numérique, mais en monophonie, soit sur les cassettes d’autrefois. Pour des raisons que vous comprendrez, on se limitera aux œuvres qui ne sont pas sujettes à droits d’auteur.
Jean Claude Duval
Mise à jour mercredi 4 juillet 2012 et 2 Septembre 2020
C’est à St Maximin la Sainte Baume que je participai à ma première Académie d’orgue du 15 au 27 Juillet 1963.
J’ai déjà raconté, je crois, que pour limiter les frais de trajet, le Père Queïnnec m’avait prêté une soutane bien utile pour faire du stop. Au hasard des conducteurs, je m’étais arrêté à la périphérie de Lyon dans un hôtel situé près d’un grand parking routier. J’étais entré dans un hôtel où j’avais été accueilli par des cris de corbeaux. Et m’étais aperçu dans la nuit qu’il s’agissait d’un hôtel de passe ! J’arrivai néanmoins à bon port à St Maximin et déposai la soutane pour la durée du stage, non sans avoir été repéré par quelques stagiaires féminines pour qui le prestige de l’uniforme n’était pas un vain mot ! Mais arrêtons ces confidences. Cela ne nous regarde pas !
Grotte de la Sainte Baume
St Maximin, qui doit sa célébrité aux tombeaux de St Maximin et de Ste Marie Madeleine qui y furent découverts au 13ème siècle, n’était à l’époque qu’une bourgade de 3000 habitants. Aujourd’hui, c’est une ville qui en compte presque 15000. La Basilique Sainte Marie Madeleine s’honore d’un orgue de 4 claviers et pédalier construit par le frère Isnard de 1772 à 1774. Il fut modifié au cours du temps. Dès 1954, Pierre Chéron entreprit sa remise en état et André Marchal y donna un concert. Mais il faudra attendre l’intervention d’Yves Cabourdin de 1986 à 1991 pour qu’une restauration très méticuleuse intervienne.
Pierre Cochereau y organisa en 1962 la première Académie d’orgue classique français qui contribua grandement à donner à l’instrument une renommée internationale.
Je fus inscrit à la seconde, en 1963. Je me souviens que Cochereau me fit jouer un verset de Titelouze. Il me dit que cela se voyait que j’avais fait du piano. Je ne crois pas que c’était par moquerie. Même s’il m’arrivait de temps en temps de tapoter du piano – j’aime beaucoup le rythme et le jazz – je crois tout simplement que le clavier étant un peu dur, je n’ai sûrement pas ce jour-là joué comme sur un harmonium, mais au contraire fait des efforts pour bien enfoncer les touches. Je dois par ailleurs à la vérité de dire que ce qui m’a le plus épaté chez Cochereau, en dehors de sa générosité, c’était la capacité qu’il avait d’ingurgiter des doses de whisky improbables. Je me suis trouvé par hasard 2 ou 3 fois à boire l’apéritif avec lui et je ne sais plus qui (le docteur Rochas ou René Saorgin ?). Il m’a complètement sidéré, presque autant que par la qualité surnaturelle de ses improvisations à Notre Dame. La photo de Pierre Cochereau n’est évidemment pas prise à Saint Maximin.
Avant de continuer le récit de mes lointains souvenirs (50 ans cette année 2013), voici le dépliant de l’Académie à laquelle j’ai participé.
Marcel Prévot nous enseignait également l’orgue classique français. J’avoue à ma grande honte que je ne me rappelle plus ce que je lui avais joué, sans doute du Couperin ou du Dandrieu. À l’époque, je n’étais pas encore un mordu de Grigny. Mais je me souviens très bien qu’il se moquait gentiment de moi en me donnant du « Mr le chanoine ». A cause de la soutane, bien sûr, dont il avait du entendre parler. Mais aussi parce que, comme il nous l’avait complaisamment expliqué, on appelle ainsi les tuyaux qui sont disposés en façade de l’orgue pour le décorum, mais ne jouent pas vraiment. Ce n’était quand même pas une prémonition sur l’évolution de l’Église et le rôle des clercs ?
Marcel Prévot
Ce fut René Saorgin qui me fit véritablement découvrir l’ensemble des approches de l’interprétation de la musique baroque française. Je ne vais pas développer ici ce qui a été publié de façon beaucoup plus exhaustive depuis, mais je découvrais que :
L’orgue français se caractérise par ses 3 plans bien définis et en principe non mélangeables : les pleins jeux, les anches et les cornets composés ou décomposés,
Au contraire des répertoires des autres contrées européennes, tous les auteurs indiquent plus ou moins succinctement la registration à utiliser,
Il y a beaucoup de façons de toucher les notes, on peut les détacher, les lourer, les piquer … ; a priori, on fait « inégales » les notes de moindre valeur que le dénominateur du chiffre de la mesure, mais il y a des exceptions,
Tous les auteurs s’accordent pour dire que le bon goût reste le seul juge. Et René Saorgin de nous renvoyer aux ouvrages de Borrel et de Geoffroy-Dechaume.
Tout ceci paraît maintenant bien simpliste. Je dois avouer qu’affecté au retour du Tchad au secrétariat du Commandant du 1er RIMA à la caserne du Roc à Granville, et n’étant pas vraiment débordé de travail, je passai le plus clair de mon temps à mettre au propre religieusement ce que j’avais retenu des enseignements de ce stage à St Maximin. Je ne crois pas avoir failli gravement à la nation.
De toute façon, cela ne dura pas longtemps. Remarqué sans doute pour mon sérieux, je fus détaché à la chancellerie de l’État Major de la 2ème Brigade de Saint Malo. Ma mission de confiance consistait à plastifier les couvertures des dossiers des Officiers. Mais je travaillais dans le bureau de l’Officier supérieur responsable de la Chancellerie. Même si celui-ci prenait le temps de me raconter ses malheurs auxquels je compatissais, – il avait perdu un fils dans des conditions pénibles et sa femme et lui étaient logés dans une maison ayant directement vue sur le cimetière de Rocabey où ce fils était enterré -, je ne pouvais pas décemment m’occuper d’orgue au bureau.
Construit de 1772 à 1774 par le frère dominicain Jean Esprit Isnard, l’orgue de la Basilique Sainte Marie Madeleine de St Maximin la Sainte Baume avait été modifié entre autres par Mader. Le concert donné par André Marchal le 17 Juillet 1954 permit d’entreprendre une première restauration qui fut menée à bien par Pierre Chéron.
Mais il fallu attendre la fin des années 1980 pour qu’une nouvelle restauration fût décidée. Son but initial était modeste : restaurer des sommiers, remplacer les soufflets et les sommiers de Mader… Mais avec l’accord de Pierre Chéron, Yves Cabourdin envisagea rapidement un objectif plus ambitieux : se rapprocher le plus possible de ce que devait être l’orgue d’Isnard. Il y travailla de 1987 à 1991. Il révisa l’ensemble de l’instrument, remplaça les postages et les machines pneumatiques de Chéron, adopta un tempérament se rapprochant au mieux des longueurs des tuyaux d’Isnard et inventa pour le pédalier un système à contretouches permettant d’interchanger un pédalier de 31 notes et un autre, à la française, de 23 notes. Malheureusement, ce dernier semble très peu utilisé.
Jean Claude Duval – 31 Mars 2013 et 2 Septembre 2020
J’ai eu la chance de pouvoir participer à plusieurs Académies d’orgue qui ont complété ce que mon Maître George Trouvé qui avait été l’élève d’André Marchal avait pu m’apprendre. Ma prétention n’est pas de retracer mot à mot ce qu’il m’a été dit dans ces Académies, mais de porter témoignage de l’intérêt extraordinaire qu’il y avait pour un quasi amateur comme moi de bénéficier d’enseignements spécialisés par les plus grands noms de l’orgue. Ne pas avoir fait de conservatoire présente certainement un handicap au niveau technique. Mais je ne le regrette pas quand je constate qu’en France c’est trop souvent le même répertoire qu’on apprend aux étudiants : Bach (heureusement) et la musique d’orgue française d’il y a un siècle.
Si l’on fait le parallèle avec le chant grégorien, le Motu proprio de Pie X en 1903 essayait de l’organiser. Après le Concile de Vatican II (1962), on se crut autorisé sous prétexte d’utilisation exclusive de la langue vernaculaire de le jeter aux oubliettes. Il fallut le Motu proprio de Benoît XVI en 2007 pour créer deux formes du rite romain : l’ordinaire et l’extraordinaire. Ce dernier qui revenait à utiliser un peu le latin n’excluant pas comme, au début du siècle, les cantiques en français, ne fut pas accueilli dans les paroisses avec un enthousiasme délirant.
En matière d’orgue, on est resté relativement coincé à la musique de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème . Il y a bien eu le retour au baroque des années 60-70, mais je me demande si ceci a beaucoup fait évoluer l’enseignement des conservatoires. J’adore Franck et Vierne. Monsieur Georges Trouvé m’a enchanté dans mon enfance sur l’orgue de la Cathédrale de Séez qui convenait tellement bien à ces auteurs même avant sa dernière restauration. Mais il y a combien d’autres répertoires à découvrir et enseigner ? C’est entre autres grâce aux Académies d’orgue que j’ai pu m’y plonger.
Pour des raisons pratiques, je résumerai ces Académies de la façon suivante :
St Maximin la Sainte Baume
Baroque français avec : Pierre Cochereau, René Saorgin, Marcel Prévot 1963